💚💚💚 LEGUME VERT de Philippe Vigand

RESUME

La quatrième de couverture présente ainsi le livre :

Atteint du locked-in syndrom (ou syndrome de l’enfermement) depuis vingt ans, Philippe Vigand est paralysé des pieds à la tête. Privé de l’usage de la parole, il ne peut s’exprimer que par battements de paupières. Le handicap est (très) lourd, mais le cerveau intact, l’esprit vif, le regard aigu, l’humour corrosif…

Cet ouvrage lu sur conseils avisés d’un de mes abonnés (merci Aydan) décompose le quotidien bien rempli de notre « héros ». Je choisis ce terme à bon escient car lui-même s’interroge sur son courage ou non à vivre ses limitations. Il les vit.

Sa motivation à garder le moral, à avancer, il la puise de son entourage. L’amour de sa femme, forte d’une énergie communicative, de ses trois enfants et de la généreuse disponibilité d’amis et proches le portent au quotidien. 

Quelle aurait été sa vie sans cet accident vasculaire cérébral (avec cette terrible conséquence rare et irréversible) qui l’immobilise, aphasique, dans un fauteuil ? Cette question, il l’élude : sa philosophie lui dicte d’apprécier un bonheur raisonnable et des joies que la vie lui procurent. Son passe-temps favori d’aujourd’hui : l’observation, un don qu’il a développé.

Sa vie s’organise comme celle d’une personne « normale », avec les mêmes goûts et plaisirs que beaucoup. Ainsi, il apprécie la bonne chère, se délecte devant des compétitions sportives, dévore l’Équipe, et s’éclate à des concerts (pour lui, AC/DC a ses préférences). Ses voyages et ses déplacements – épiques et alourdis d’une logistique inouïe mais nécessaire – l’ont transporté vers de magnifiques pays lointains où beaucoup d’entre vous n’irez jamais.

Avec des anecdotes dans les files d’attente, avec les places de stationnements réservées aux PMR, il explique concrètement le soulagement pour les aidants de ces avantages appréciables.
Sa force, il l’avoue vient de l’appui de sa famille (sa femme et ses trois enfants), ses proches et amis. Il souligne aussi le rôle essentiel des auxiliaires de vie, qu’il décore avec humour de ces justes « titre » : aide de camp ou garde du corps. L’environnement adapté bien décrit est un support utile mais il décrie aussi ses imperfections. En effet,  il se désole de sa propre impuissance physique face à la souveraineté de la machine :

Je ne suis pas seulement dépendant des autres mais aussi dépendant de la technologie. Je suis bien peu de chose ».

Attention, cette phrase ne reflète pas le livre où l’optimisme y est omniprésent. Le narrateur cherche un aspect positif à chaque moment vécu, .

À NE PAS manquer, je vous recommande cette anecdote p. 66 : Un chien se joue du narrateur en tirant sur sa manche jusqu’à faire disparaître de la table notre narrateur devant des convives circonspects…

MON AVIS

On ne peut qu’avoir de l’admiration pour le ton léger associé à des mots réalistes, du narrateur sur son infortunée santé. Il ne s’apitoie pas sur son sort, malgré des désappointements ponctuels compréhensibles. Ce roman soulèvent nombre d’enseignements sur l’envers du décor de la vie quotidienne d’une personne handicapée.

UN QUOTIDIEN COMPLIQUÉ

On est loin de s’imaginer, lorsqu’on ne connaît pas la question du handicap, la quantité d’efforts à fournir par les aidants (l’auteur insiste sur les douleurs physiques – bras, dos, partout ! – lors des manutentions).

Connaissant personnellement la dépendance, je partage avec le narrateur des vérités ressenties à bien des égards. Comme lui, j’admets que la bienveillance d’un entourage constant est primordiale. Il est un support à tout point de vue : pour un bien-être moral, une ouverture sociale et culturelle.

Et le corollaire d’une vie sociale repose dans la question des déplacements pour toute activité. Se déplacer prend des proportions hors du commun. Dommage que l’auteur soit resté un peu laconique car il y a tant à dire à ce sujet ! Si on y prête attention, la presse rapporte régulièrement les écueils vécus par ces passagers hors-normes. Exemple : été 2017, la SNCF et des compagnies aériennes transforment le voyage d’agrément de certaines personnes handicapées en parcours du combattant ! Ici, l’auteur, avec une judicieuse légèreté, a illustré le côté amusant d’une scène pittoresque lors du passage à la frontière.

PARLER DU MUTISME

Le plus troublant quant à la complexité handicap du narrateur, reste pour moi, son mutisme forcé et quelque part angoissant chez cet homme. Je l’admire d’autant plus que c’est la pire limitation, l’insupportable suprême à la pipelette que j’ai toujours été. Alors, été mis au point un code pour lui, une système sophistiqué, mais très pratique pour communiquer. Après une initiation, une dose de patience et beaucoup de motivation, alors la discussion est ouverte avec cet homme ; mais cela nécessite du temps pour converser.

La posture de son corps trahit l’intellect de l’homme. Sa position ne traduit pas son intelligence pourtant certaine, et alors son apparence physique trompera celui qui se méprendra en le considérant comme un légume vert. Non dénué d’humour, il se rassure d’être à la mode avec les tendances végétariennes d’aujourd’hui.