Chroniques régulières sur des livres, présentations de nouveaux auteurs

đź’śđź’ś LES FLAMBOYANTES de Robin Wasserman

RESUME 
Editions Fayard
01/2018
480 pages
Au lendemain d’Halloween 1992. Le village de Battle Creeks, et surtout l’enceinte du lycée est en émoi par le suicide de Craig Ellison, d’après le cadavre retrouvé en forêt. La popularité de l’adolescent tient surtout à sa relation avec la coqueluche du lycée Nikki Drummond.
Dans cette ambiance troublée, Hannah Dexter, se fait aborder par Lacey Champlain où une amitié bien particulière va naître entre les deux adolescentes. À part leur défiance à la fameuse et prétentieuse Nikki Drumond, tout les oppose : 
«Lacey Champlain avait des cheveux sombres coupés au carré, des boucles d’un noir presque pur qui lui encadraient le visage façon années 1920. La peau pâle et les lèvres rouge sang, comme s’il lui était inutile de jouer les gothiques, car elle l’était naturellement, vampire de naissance. Elle avait les ongles de la même couleur que les lèvres, de la même couleur aussi que les godillots à lacets qui ceignaient ses mollets et avaient l’air faits pour la baston. Contrairement à moi, qui n’étais qu’un assemblage maladroit de monticules et de cratères, elle était dotée de ce qu’on pouvait raisonnablement appeler une silhouette, vallées et collines harmonieuses qui pointaient toutes dans la bonne direction. »
Adolescente effacée, Hannah devenue Dex sous l’influence de Lacey va se transformer en rebelle et effrontée où seul son père semble séduit par leurs extravagances, un rappel de sa jeunesse. Mais les nombreux défis où se mêlent alcool, drogue, et jeux sexuels ou blasphématoires que les deux jeunes filles se lancent les sépareront : Lacey sera internée dans une maison de correction pour la remettre sur le droit chemin tandis que Dex subira les conséquences humiliantes d’une soirée entachée à cause de son comportement honteux et dépravé.
Et c’est au moment de cette séparation que la parfaite Nikki Drummond (voir une fille comme ça. Une bénédiction. Mais c’était pour se rassurer, tout simplement : ces mères n’étaient en rien responsables de l’infériorité de leur progéniture, pas plus que Mme Drummond une fille en or) viendra cueillir l’amitié de d’Hannah, car elle aussi connaît l’influence négative que peut avoir Lacey, et c’est le fruit d’un lourd secret… 

MON AVIS

Je remercie avant tout NetGalley et les éditions Fayard de leur confiance pour ce SP.

Le rĂ©cit nous immerge dans cette amitiĂ©-amoureuse sulfureuse oĂą la psychologie des uns influe sur celles des les autres. Les relations se jouent d’un trafic d’influnce – souvent mauvaise-.

On aborde les curiositĂ©s qui animent certains adolescents, insouciants et inconscients du caractère irrĂ©versible de leurs expĂ©riences. La violence, la cruautĂ©, l’absence de scrupules et de compassion est le lot commun de cette population Ă  Battle Creek. L’amitiĂ© exclusive entre Lacey et Dex, avec cette volontĂ© illusoire de tout quitter pour du mieux avec ce risque d’enfreindre les lois, n’est pas sans Ă©voquĂ©e dans le Telma et Louise. A la diffĂ©rence, cette comĂ©die dramatique des annĂ©es 90 prĂ©sente des protagonistes adultes qui fuient une insupportable rĂ©alitĂ© conjugale. Ici, les deux adolescentes des Flamboyantes subissent elles aussi les contraintes familiales difficiles : pour Lacey, et dĂ©laissĂ©e par une mère soumise Ă  un beau-père arrogant et violent ; pour Anna, jeune fille insipide ainsi dĂ©finie :

La dépositaire des attentes de mes parents et la preuve vivante de leurs déceptions. J’étais Hannah Dexter, médiocre à tous points de vue, bien engagée sur les rails d’une vie ordinaire, et à peine assez maligne pour que ça me pose un problème.

Les chapitres alternent la narration des deux filles.

Des amitiés malsaines

L’emprise malsaine de Lacey transparaĂ®t telle celle d’un gourou qui va l’emmener au Nirvana.  On ne peut qu’éprouver une certaine pitiĂ© envers Dex qui se fait manipuler, consciemment et avec son consentement entachĂ©e Ă  ce point d’une personnalitĂ© dĂ©nuĂ©e de texture. L’idĂ©e de mort, de violence, de lieux sombres tout le long du roman sera renforcĂ© par les allusions et rĂ©fĂ©rences au groupe Nirvana et Ă  son chanteur suicidĂ© Kurt Cobin adulĂ©e par Lacey.

L’auteur apporte de l’oxygène au lecteur en lui soumettant un troisième personnage aux antipodes des deux prĂ©cĂ©dentes adolescentes avec la « parfaite » Nikki Drumond : Elle apparaĂ®t lumineuse, sĂ»re d’elle-mĂŞme et de ses valeurs, aimĂ©e et admirĂ©e par ses parents et entourĂ©e d’amis.

Mais la lĂ©gèretĂ© du roman sera fugace avec l’amitiĂ© tout aussi malsaine entre Hannah et Nikki. Leurs relations restent troubles et menacĂ©es Ă  cause de secrets sordides marquĂ©s d’un passĂ© enfoui mais jamais oubliĂ©.

Une disparition regrettable

La disparition de Craig plane dans les esprits et ressurgit sous la pression des leurs jeux  à connotation sulfureuse. L’ambiguïté des relations s’amplifiera jusqu’à un paroxysme incroyable, bien entretenue par l’auteur.

L’univers des adolescents n’est ici en rien guidĂ© par les adultes censĂ©s les orienter pour mieux se construire. Les parents restent Ă©trangers aux Ă©vènements. Bien au contraire, l’image parentale normalement inflexible et rassurante fait dĂ©faut. Ainsi, les ados sont contrits dans leur impuissance face aux menaces de la sociĂ©tĂ©. Le rĂ´le peu glorieux des parents expose leurs failles, rĂ©percutĂ©es sur leur progĂ©niture mĂŞme s’ils leur souhaitent le meilleur.

Bilan

L’écriture est fluide, et agréable. Heureusement, car le fond est parfois difficile à supporter.

Ma déception :

Ma note sévère condamne surtout la noirceur trop prégnante du récit et la psychologie des personnages m’ont dérangée.  Je suis réfractaire à cet univers de personnages déjantés.

Je ne conseillerais pas cette lecture à tout le monde en la dissuadant aux adolescents en quête d’identité ou aux parents en conflit avec eux, et surtout aux lecteurs en proie aux idées noires.

Et vous, que pensez- vous de la chronique ? N’hĂ©sitez pas Ă  laisser un commentaire…