Chroniques régulières sur des livres, présentations de nouveaux auteurs

11 SERPENTS de Philippe Saimbert

RÉSUMÉ

ISBN : 9791091097253
Philippe Salamagnou

Philippe, notre narrateur, vit chichement. Divorcé et écrivain sans succès, ses finances l’étranglent de dettes et de pensions alimentaires.
Sa curiosité le pousse à accepter l’invitation impérieuse et saugrenue d’Abeline. Cette richissime cousine exhibe avec ostentation sa fortune qu’elle a su faire fructifier grâce à son bon sens des affaires et d’un succès culinaire comme sa recette de tourte.
Cette hôte, retorse et autoritaire, a réuni onze personnes pendant une semaine. Elle impose à ces invités un jeu de rôle pervers dont elle se proclame l’arbitre. Elle gratifiera le vainqueur de la moitié de son immense fortune. Cette compétition repose sur la stratégie de coups bas à porter aux autres convives. Elle se délecte d’avance d’observer les plans les plus scabreux, et encourage les pires malveillances entre ses invités.
« Laissez rugir la bête qui est en vous », reflète bien les encouragements d’Abeline, si friande de perfidie. Le spectacle de méchancetés imaginées et réalisées sur entre ses invités la combleront… mais jusqu’à quel point ira-t-elle ?

MON AVIS

Huis clos sadique

Une brochette de personnages est sur le gril dans une compétition de méchancetés à l’envi, fondée sur la convoitise d’un gain. Les onze protagonistes se connaissent déjà et s’apprécient tous moyennement :

La bienveillante Bernadette paraît au-dessus des bassesses à élaborer même si son inclusion dans le jeu lui offre une chance d’emporter le gain. Gouvernante dévouée sans limites à Abeline, elle a en charge la logistique des repas pendant la semaine. Mais avec sa piété et sa générosité, elle restera étrangère au venin déversé sur elle et autour d’elle.

Le narrateur peu enclin aux vacheries participe à la compétition, mais sans conviction. Il profite surtout du confort et l’hospitalité de sa cousine pour écrire. Il se consacre à son nouveau roman « The Big One », dont le pitch augure un chef-d’œuvre (dixit : « le pitch de la mort qui tue ! rien que cela »).

Zoé passionnée de chats de race, la sœur d’Abeline, s’investit avec acharnement dans la partie.

Thierry Dumond un trader sans scrupule ne connaît pas la crise à titre personnel, mais ne rechigne pas sur le gain potentiel.

Frédéric dit Fredo, un cousin aux manières rustiques, accablé de charges patronales, vise le pactole pour l’investir dans son restaurant. 

Sa compagne Eva, une bombe sexuelle viendra pimenter l’ambiance.

S’ajoutent Diane et Hubert, les intellectuels de la famille,

et un couple de cousins dits les Jojos entièrement sacrifiés (financièrement et humainement) 

à la cause de leur fille unique Priscilla promise à une carrière de chanteuse.

Les idées loufoques de la part d’Abeline, assorties des stratagèmes des uns et des autres ne manquent pas de piquants. Les nombreux coups de théâtre en amèneront un dernier qui déterminera le gagnant final. Quel suspens !

Comédie déjantée

La méthode saugrenue pour transmettre un héritage est carrément déjantée. Mais le personnage  « rock’n roll » d’Abeline, haute en couleur, rend l’idée totalement cohérente.  

Là encore le cadre paisible de ce huis clos situé dans une vaste demeure au milieu des vignes qui invite à la quiétude et contraste avec l’agitation aiguisée par Abeline.

L’appât du gain, la nature humaine

Les turpitudes, les malices et rebondissements de toutes sortes ponctuent le déroulement de l’intrigue.

Le titre de l’histoire pourrait être « l’arroseur arrosé », ou « jeu sadique pour hériter ». L’imagination fertile des uns pour avilir les autres amuse le lecteur. Il se rend comparse de la perfidie des protagonistes presque honteux de sourire. Le lecteur se laisse surprendre par la fin de ce thriller sympathique.

Cette « chronique d’une vacherie annoncée » a l’avantage de balayer les hypocrisies guidées par les conventions sociales. Sans elles, les relations deviendraient vite infernales. Ici, les vérités crues et donc cruelles lancées sans scrupules ne manquent pas de distraire. Les misanthropes convaincus seront persuadés de leur bon choix de vie !

Le narrateur, rongé dans ses tourments d’écrivain « raté » subit les critiques sans philtre de son entourage. On se rend compte avec quelle facilité on peut atteindre l’autre, en pointant son arme verbale ou imaginaire sur le talon d’Achille ou le violon d’Ingres d’autrui. Ses souffrances de plume déconsidérée touchent le lecteur et l’humour le charme.

Je recommande vivement ce livre, vous l’avez compris. J’apprécie l’humour noir et parfois sarcastique.
L’écriture du livre me plaît : la fluidité des phrases et le choix du vocabulaire constitue un ouvrage agréable et distrayant à souhait.

Attention !

Fanatiques des chats 😉 s’abstenir 

Quelques phrases relevées (quelques unes seulement ! ) :

– Un auteur est une éponge qui absorbe tout ce qui passe à proximité. Malheureusement, ces dernières années, j’avais un peu trop essoré la mienne et n’arrivais plus à en tirer la moindre goutte de créativité.

– Citation de Pierre Desproges : « on peut rire de tout mais pas avec tout le monde ».

– Ce type aimait minauder. Un minus, ça minaude souvent.

 INTERVIEW de l’auteur

 Vous dites que tout a déjà été raconté et que l’originalité contemporaine réside dans le traitement d’une idée déjà utilisée pour la rendre personnelle et unique. Quelle a été votre inspiration pour « 11 serpents » qui concourt dans la catégorie « Imaginaire » du Prix des Auteurs Inconnus ? Comment avez-vous cherché à vous en démarquer ?

Tout d’abord bonjour à toutes celles et ceux qui nous lisent et merci pour votre interview. Comme tout auteur, je suis une éponge qui se nourrit de tout ce qu’il voit et entend. La musique est également pour moi une formidable source d’inspiration car elle me suggère certaine scènes. C’est d’ailleurs étonnant. Je crois que nombre d’œuvres, à commencer par celles d’Agatha Christie ont inspiré mon projet. Tous ces projets avec des intrigues et des personnages tordus. Sans compter les innombrables chefs d’œuvres du cinéma au twist final étonnant. J’espère avoir réussi mon pari. Le twist final le plus fou, le plus fort, restant pour moi celui du film Old boy. Un film à réserver toutefois à un public averti de par sa violence psychologique. Mais quelle claque !

Vous êtes auteur indépendant, mais également scénariste de BD. J’ai également aperçu une activité de scénariste audiovisuel. Est-ce que l’adaptation de « 11 serpents » au cinéma ou à la télévision est un objectif ?

Oui, tout à fait. Je me suis inscrit sur le site Papertofilm pour essayer de placer mon projet auprès d’un producteur. Et je vais participer à divers concours de scénarios cette année. Je présente 11 serpents car il s’agit d’un huis clos avec peu de personnages. Le budget de production reste donc contenu. Rêver est mon métier…

À propos de Bande Dessinée, avec lesquelles avez-vous grandi ? Quelles sont celles que vous pouvez nous conseiller ?

Ancien enfant de cœur (eh oui, cela mène à tout), j’adorais, gamin, les aventures de Moky, Poupy et Nestor. Je trouvais le graphisme de Bussemey aussi vivant que celui d’Uderzo. Ensuite, je suis passé aux Pieds Nickelés et à Rahan. Et puis il y a eu la période des super héros Lug avant de passer à la BD adulte et contemporaine. Quelques BD à découvrir (pas les plus connues mais celles qui m’ont marqué : Gangrène (Jimenez & Trillo). Brune (Guibert) sur la montée du nazisme. Le premier tome de Sin city (Franck Miller). Brezza, une série originale et pleine de poésie (Etienne Martin). Et pour fêter les Quais du Polar à Lyon, la série Torpedo (Abuli & Bernet).

Vous êtes indépendant, mais l’êtes-vous par choix ? Que vous apporte l’auto-édition ?

J’ai passé plus de 15 ans au sein de l’édition traditionnelle (Albin Michel BD, Delcourt, Joker, City, etc.) et je suis passé par choix du « côté obscur de la Force ». Pour de simples et bonnes raisons : l’indépendance des choix artistiques (contenu, maquette, titre, etc.) et des conditions contractuelles que je ne pouvais plus accepter. Plusieurs de mes titres étaient abandonnés et je trouvais de plus en plus absurde de devoir céder mes droits pendant 70 ans. De plus (attention, je vais être grossier), je suis également passé indépendant pour des raisons financières. Je sais bien que les auteurs ne sont pas censés vivre de leur plume mais il est temps que cela change. La loi permet plus facilement aux auteurs de recouvrer leurs droits patrimoniaux pour exploiter leurs œuvres (sous certaines conditions). Se renseigner auprès de mon syndicat, le Snac.

Votre roman « L’héritage de Tata Lucie » est traduit en anglais. Avez-vous l’ambition de toucher le marché international avec « 11 serpents » ?

Malheureusement non.  À refaire, je n’aurais pas tenté cette expérience pour L’héritage de tata Lucie. Ce livre restant mon best-seller (+ de 75.000 exemplaires vendus à ce jour, toutes éditions confondues), j’ai cru renouer avec le même succès sur le marché anglo-saxon. C’était oublier que la concurrence est féroce. Et qu’il est très difficile d’obtenir des reviews. Indispensables pour lancer des promotions. Inutile de vous dire que je n’ai pas (encore) remboursé le prix de la traduction. Par contre, je vais tenter l’aventure du livre audio pour mes deux titres phares. Je suis persuadé que le marché du livre audio va exploser dans les prochaines années.

Je commence toujours par écrire la fin. Même si je suis amené à la retoucher, bien évidemment. Donc, je sais où je vais même si je ne connais pas les chemins que je vais emprunter.

Dans « Le fossile d’acier », vous proposiez déjà un pitch retournement de situation… Vous savez dès le départ que vous proposerez ce genre de final ou cela vous vient-il au fil de l’intrigue ?
Je commence toujours par écrire la fin. Même si je suis amené à la retoucher, bien évidemment. Donc, je sais où je vais même si je ne connais pas les chemins que je vais emprunter.

Vous avez écrit plusieurs romans dans des genres différents. Thrillers, Science-Fiction, Humour, Jeunesse. Qui est vraiment Philippe Saimbert ?
Bonne question. Je ne le sais pas moi-même. En fait, j’aime nombre de genres à partir du moment où l’histoire me captive et me fait vibrer. Du drame intimiste au blockbuster. Il en va de même pour le cinéma. J’ai des goûts très éclectiques. Du très beau et confidentiel Un temps pour l’ivresse des chevaux au métaphysique Interstellar.

Pour quelle raison avez-vous soumis « 11 serpents » au Prix des Auteurs Inconnus ? Qu’en attendez-vous ?

C’est avant tout une histoire d’opportunité et de rencontre. Si je peux rencontrer de nouveaux lecteurs, ma démarche aura été un franc succès. Je n’en demande pas plus.

Dernière question : votre famille est-elle du même genre que celle que vous dépeignez dans votre livre ?

Joker ! Je ne veux pas d’ennuis. Mais sachez qu’il y a beaucoup de moi dans le narrateur souvent présent dans mes romans. Mais que cela reste entre nous…