A la veille de la Grande Guerre, l’arrivée d’un être différent dans un petit village alsacien fait resurgir le pire et le meilleur de chacun.
RESUME

Edition Zinedi
16/03/17
A l’aube de la Grande Guerre de 1914, dans un village alsacien .
Un petit homme au visage disgracieux et à la silhouette difforme, arrive dans le bourg de La Harpaille en chevauchant un bouc. Son étrangeté heurte les esprits des villageois ancrés entre croyances religieuses, superstitions et paganisme. Suspicieux devant une telle monstruosité physique, ils le traitent en paria dans une Alsace tiraillée entre France et Allemagne. Pourtant ils apprécient son savoir en herboristerie et ses dons de guérisseurs même si son allure bizarre les impressionne, voire les effraie.
Face à ces hostilités attisées par les notables, le petit homme trouvera de la bienveillance auprès d’une vieille, compatissante de sa laideur. L’amitié que lui portera Octave, le forgeron du village fort de sa popularité et de sa musculature avantageuse lui épargnera des méchancetés. Octave, sa sœur Léa, et leur père Joseph, le patriarche du village sont baignés dans le respect d’une charité sincère et chrétienne.
La guerre annonce la mobilisation d’Octave. Or, cela privera le petit homme de sa véritable protection. Les mauvais esprits donneront alors libre cours à toutes les infamies. D’ailleurs, le vétérinaire, surtout le perçoit comme un dangereux concurrent de sa propre compétence. Alors, pour son plan machiavélique, il met en scène des complices complaisants, des comparses manipulés pour attiser l’exaspération des troupes allemandes.
Mais si le projet est presque parfait, c’était sans compter sur bien des facteurs…
MON AVIS
J’AI ADORE CE LIVRE ! UN grand merci à l’auteur pour ce SP. Difficile de le chroniquer pour lui rendre un juste hommage. Sans le paraphraser, édulcorer les personnages ou dénaturer le récit.
L’ouvrage décortique la nature humaine avec une poésie sur la faune et la flore. (cf. page 40).
Le fond historique de la guerre de 1914 nous transporte dans une Alsace fracturée entre la France et l’Allemagne. L’ambiance de cette bourgade rurale traduit l’embarras ou l’ambiguïté des villageois, assujettis à des décisions politiques supérieures.
Les scènes de batailles, le ressenti et les souffrances des poilus dans les tranchées sont dépeintes avec réalisme et poésie. P.58 :
Les éclairs rayaient le ciel et des gerbes de flammes jaillissaient du sol, ouvrant le rideau de la nuit sur un spectacle dantesque de silhouettes tordues de douleur ou saisies par la mort, reflétées sur la neige par des ombres vacillantes et grotesques.
Mais en parallèle de la Grande Histoire, d’autres histoires plus « intimes » ou « confuses » déroulent de bons sentiments. En effet, diverses romances allègent les déveines du petit homme où la bassesse humaine se faufile. Là, des manipulations psychologiques nourriront des stratagèmes de justice, à la limite de la vengeance. Et nombre de rebondissements de part et d’autres se succèdent.
Un village alsacien
Les personnages typiques nous plongent dans la vie du bourg. Des villageois dotés de caractères imparfaits composent un tableau crédible et vivant. L’auteur n’a pas lésiné sur leur nombre et les faiblesses des protagoniste. Chacun trouve un rôle actif dans le scénario :
– Les alliés de Désiré :
le notables du coin vétérinaire, et adjoint au maire de Sainfoin
et sa femme Louise :
ah, une vraie fourmi, Louise ! Mais une femme pas commode du tout et près de ses sous, qui portait la culotte, serrait les cordons de la bourse et tenait la dragée haute à son époux.
– Lucien :
un boit-sans-soif. Difficile au demeurant de distinguer chez lui l’état normal de l’ébriété, car il roulé les épaules et comme il les avait larges et bien charpentées, elle transmettait à corps une allure chaloupée.
– L’instituteur, à la force mentale à faible, est en proie à des hallucinations. Germain le garde-Champêtre, Firmin le cantonnier, et Guerite, le plus gros fermier de la contrée.
Mais de belles personnes nous réconcilient de la nature humaine par leur pureté : La vieille, Le curé, le Sergent Georges, Gaby, Gaston… et surtout :
– Octave : le maréchal-ferrant, forgeron.
Il prit spontanément la défense du petit homme, non pas tant par pitié que par refus d’une injustice, la pire qui soit, celle qu’inflige l’arbitraire de la nature et que relaie la peur haineuse des chanceux envers un malheureux non conforme à la normalité qu’ils prétendent incarner. Une double peine en somme et de plus doublement lourde, car les bien-pensants du dimanche voyaient dans sa monstruosité le signe d’une malédiction et dans ses dons, non la manifestation miraculeuse de la grâce céleste qu’il réservait aux saints patrons de leur panthéon, mais la marque de l’infernale damnation contre laquelle les mettait en garde la religion.
– Joseph son père, le patriarche inspire le respect, et Léa sa sœur est la bienveillance incarnée.
Et un être différent
Et surtout, le principal personnage : Le petit homme. Jamais proprement nommé, aucun dialogue ne lui est attribué. Or, il est gratifié de tous les sobriquets dus à son physique ingrat. Pourtant, il ne développe aucune rancœur et sa bonté reste intacte.
Il trouvait sa place dans un milieu naturel qui prend chaque être comme il est et dans lequel il aurait aimé pouvoir et dans lequel il aurait aimé pouvoir se fondre pour toujours. »
L’intrigue autour de ce petit bonhomme est captivante. La nature ne l’a pas épargné et pourtant, il l’a dompté de ses connaissances en plantes aromatiques, … sa condition nous attendrit de pitié des injustices et de ses misères endurées.
On ne peut pas rester indifférent à cette société particulière. Un suspens règne en permanence car les protagonistes interagissent entre eux sans cesse, au gré des évènements politiques.
L’écriture utilise un vocabulaire soutenu et la lecture reste très agréable et addictive durant ces quelque 215 pages.
L’insertion de patois vosgien – à petites doses- toujours traduit en bas de page souligne bien la culture du régionalisme du récit présent à d’autres égards.
Vous l’avez compris, je recommande VIVEMENT la lecture de ce roman.