Chroniques régulières sur des livres, présentations de nouveaux auteurs

💚💚💚💚CELIDAN DISPARU de Denis Podalydès

Résumé

Mercure de France
09/22
230 p.

Une autobiographie Ă©crite avec le recul des annĂ©es explique l’acteur d’aujourd’hui.

CĂ´tĂ© famille : jeunesse versaillaise / Sa grand-mère libraire et sa mère pour son amour des mots / La foi / L’armĂ©e / Vacances en Bretagne / Ses idĂ©es sur Badinter, de la peine de mort, sur des causes politiques de gauche / Sa fratrie / Relation difficile avec son père pied-noir, de droite /  Son service militaire (Ă  ne pas manquer : follement Ă©pique)  / Le divorce des parents / Ses amours avec CĂ©line et ValĂ©rie.

Côté théâtre : début Hernani / Jean Marais / acteur / metteur EN scène / Comédie Française.

MON AVIS 

L’acteur Denis Podalydès cache bien son jeu, car outre la comédie, il œuvre aussi dans l’écriture. Avouons que ses études littéraires à Hypokhâgne le prédisposent à l’exercice, il n’en est plus à un coup d’essai avec plusieurs livres à son actif. Voici un artiste aux multiples visages qui tient son succès en se faisant remarquer par les rôles qu’il incarne à merveille. De son style très agréable à lire, il se raconte à travers ses racines, ses amours, et dans une autre mesure, donne corps à des personnages fictifs de théâtre.

Ă€ la ville…

Je m’intĂ©resse Ă  la carrière cinĂ©matographique de Denis depuis ses premiers tournages avec son frère Bruno avec « Versailles Rive-Gauche ». Alors, quand j’ai trouvĂ© sa biographie au hasard des rayons de la librairie, cela m’offrait donc l’occasion de mieux le connaĂ®tre. Il dĂ©roule ses souvenirs de manière chronologique. Ses tragĂ©dies et anecdotes privĂ©es (ne manquez pas ses trois jours Ă  l’armĂ©e !), familiales et professionnelles sont passĂ©es au crible, sans oublier sa relation privilĂ©giĂ©e avec Bruno. En abordant avec sa pudeur habituelle ses rĂ©flexions sur divers thèmes, l’auteur confie tout un pan de sa vie intime et personnelle. Fidèle Ă  son image sur les Ă©crans, il livre sa vĂ©ritĂ© sans panache et avec recul.

… Ă  la scène

Mais côté théâtre, D. Podalydès se remémore avec modestie ses déconvenues, à commencer par ses premiers engagements. Ainsi, avec ses déboires détaillés sur son principal rôle de la pièce d’Hernani, on relit par la même occasion la tragédie de Racine. Puis arrivent des satisfactions, le fruit de beaucoup de travail. Elles se révéleront d’ailleurs avec Celidan (un personnage de Corneille pour ceux qui l’ignorent).

Il décline aussi son cheminement professionnel, notamment jusqu’à la Comédie-Française. Ce que j’apprécie chez lui, c’est son apparence de anti-héros dans les comédies. Avec son incertitude naturelle, son allure préoccupée et son apparence sérieuse finalement, il fait sourire ou rire malgré lui. Ou du moins, c’est ce que son jeu laisse penser au spectateur. La feinte du comédien : avoir l’air de ne rien faire.

Si l’acteur vous plait, je vous recommande la plume fluide et érudite de l’écrivain. Son écriture aisée à rendre vivants les personnages suscitera l’envie de relire les pièces classiques. Mon seul regret est que ses prestations ne s’adressent qu’à une certaine classe intellectuelle… qui se limite à un parisianisme parisien.

Citations 

Nos études littéraires nous font entrevoir les productions du désir, ses éclats et la splendeur des vrais dieux, la littérature s’élève à des hauteurs telles qu’on peut écrire sur elle et c’est encore plus beau, ceux qui parlent des écrivains sont encore des écrivains, les écrivains sont des lecteurs et les lecteurs sont des écrivains, la littérature parle de LA littérature : c’est le sens ultime, elle-même est la déesse à laquelle elle voue son propre culte, notre émerveillement n’en finit pas, mais j’ai l’impression de rester dehors, j’aime rêver, mais à ce point-là, tout de même, c’est déconcertant. Je ne sais pas ce qu’en pensent les autres.
Embarquer un groupe dans une galerie toujours plus noire et étroite, qu’éclaire, vacillante, l’unique lampe dont mon traditionnel casque est orné, s’enfoncer bientôt dans un lacis incertain de boyaux, nous obligeant tous à nous courber, à marcher à quatre pattes, à ramper, saisi moi-même d’étouffement au moment où je dois convaincre mes compagnons dubitatifs d’aller toujours plus avant et plus bas, voilà comment m’apparaît, dans tout son prestige aventurer et sans effroi, la mise en scène.