Chroniques régulières sur des livres, présentations de nouveaux auteurs

💜💜💜💜DIX ANS DE MARIAGE de Julien Mucchielli

RESUME

JC Lattès
16/10/19
Février 2012, vallée de Chevreuse. Le week-end du couple Darcy organisé à proximité de chez eux pour célébrer leur noces d’étain va se terminer en drame. François Darcy enfoui dans les bois et blessé à l’épaule est spectateur d’une scène d’horreur : sa voiture flambe avec sa femme Sylvie à l’intérieur. Quand il appelle les secours, François sera  hospitalisé sous le choc de l’impact d’une balle. Mais son épouse Sylvie ne pourra être sauvée, calcinée dans son intégralité. Une enquête est immédiatement ouverte pour cet homicide commis en pleine forêt où François prétend s’être juste arrêté pour uriner.
L’impassibilité frappante du veuf oriente très vite les soupçons des enquêteurs vers le mari. En plus selon les témoignages, le couple battait de l’aile, et presque au bord du divorce selon les dires des amies de Sylvie. L’antipathique François, égoïste, dépensier, et affublé de nombre défauts a contribué à se façonner une image de personnage détestable. Il apparaît vite comme un mari fruste, père rigide, et donc comme coupable potentiel.
… individu égocentrique, goujat, alcoolique et lunatique.
Les faisceaux d’indices le désignent comme capable de la mise en scène imaginée par la police. En effet, tous les éléments concordent contre cet amateur en balistique : son arme a servi à se tirer dans le dos, il a de la poudre sur les mains, il sait comment tirer en blessant sans tuer.
Ainsi il aurait prémédité son crime et organisé cette escapade supposée romantique avec la motivation d’une prime d’assurance-vie de Sylvie à la clé. Il faut dire, que malgré ses compétences professionnelles, François ne pouvait subvenir aux dépenses du ménage principalement assurées par son épouse.

MON AVIS

Service de presse : Remerciements à Netgalley et à la maison d’édition JC Lattès.

Auteur :

Julien Mucchielli, 33 ans, est journaliste indépendant et chroniqueur judiciaire, après des études de droit et de journalisme. Il couvre les procès pour le quotidien Dalloz Actualité et le blog 👉 « Épris de justice », qu’il a contribué à développer, et qu’il codirige. Il a collaboré avec Slate, StreetPress, So Foot, la revue Sang Froid ou Le Canard enchaîné, toujours dans le domaine judiciaire. Puis, il est membre de l’association de la presse judiciaire depuis 2016.

La posture de l’auteur, chroniqueur judiciaire expérimenté suppose une véracité dans la narration de ce fait divers. Cependant, on ose imaginer pour notre tranquillité d’esprit et notre foi en la justice, que le récit et l’issue de ces procès contiennent une part de fiction.

LE DICTAT DE L’APPARENCE

L’ambiance d’une scène d’un drame, prétexte à enquête est parfaitement retranscrit. On y est. Tout paraît bouclé avec les tenants et les aboutissants : un mari, amateur de tir, et dans une mauvaise passe financière, aurait manigancé le meurtre de sa femme, justement prête à demander le divorce. Chaque bribe de la vie du couple le pointe comme le meurtrier. Le début du récit confirme l’analyse de la police parce que François, que tous décrivent comme antipathique et taiseux, peut être capable du pire. Il concentre à lui seul toute l’inimitié possible, excepté celle sa mère qui demeure « son soutien indéfectible ».

La police et la justice penche pour une machination terriblement établie par le suspect rapidement qualifié de coupable dans les esprits. Or, ce stratagème semble trop bien réglé pour qu’aucun grain de sable ne puisse l’enrayer. En effet, difficile de croire à la réussite d’une orchestration aussi complexe, sans aucun encombre. Mais la justice s’obstine jusqu’à l’acharnement, malgré certaines incohérences : elle tient son coupable.

UN PROCES EQUITABLE ?

Les amateurs d’affaires judiciaires et de polars judiciaires seront ravis des détails de celle-ci, relatés dans un ordre chronologique, pour une meilleure perception du dossier. De plus, l’objectivité de l’auteur sera de mise jusqu’à la fin. Et enfin, un suspens latent : il faudra lire les trois dernières pages pour comprendre l’attitude de François.

Le premier procès  condamne l’unique suspect. Aucune surprise dans cette presque mascarade de procès, on devine le verdict. Le lecteur, spectateur du procès, ressent quand même une iniquité dans la justice car tout semble préjugé : tout accable le condamné. Impassible, lui, se laisse malmener au fil de l’enquête et des auditions. François est si peu réactif que le lecteur finit lui aussi par le soupçonner. D’ailleurs, son profil détestable appuie nos convictions. Comme quoi, voici la morale de l’histoire : l’apparence de l’image que l’on renvoie de nous est capitale dans certaines circonstances.

L’APPEL AU DOUTE

A partir de la deuxième partie du roman, les doutes s’installent et demeurent.

Le personnage principal focalise tant les inimitiés qu’il nous attire notre pitié. Lui, François, impassible paraît presque détaché des perfidies déversées à son encontre. Elles sont si amères et nombreuses qu’elles s’assimilent à des médisances. Cette attitude froide dénuée d’émotion apparente et son comportement passif desservent également le travail de ses avocats prompts à le défendre.

Lors du procès en appel, ses défendeurs essaient de mettre en lumière les zones d’ombre de l’enquête. Renaît alors l’espoir d’une vérité crédible avec peut-être enfin une redistribution du jeu pour une plus grande complaisance à l’égard du supposé coupable. On espère alors voir l’occasion de décortiquer la réalité du crime.

Ainsi fourmillent de plus en plus de questions mise en exergue par des avocats tenaces. Les argumentaires de ces deux teigneux soulèvent beaucoup de points gênants pour la Cour : Commet se tirer une balle dans son propre dos ? Aurait-il bénéficié de complices ? À qui a profité le crime ? Pourquoi n’avoir pas tué François s’il est étranger à la mise en scène ? Et encore beaucoup d’autres questions en suspens restent tues…

J’ai apprécié :

Le procédé narratif chronologique et l’objectivité continue teintée d’évidences. La réalité judiciaire montre la longueur administrative entre deux procès.

Le personnage d’Eilen, la mère de François est remarquable de dignité.  Sa constance malgré l’adversité qu’elle traverse, ne perturbe pas sa bienveillance (avec personne).

Paradoxalement, c’est l’idée du sentiment de « générosité » dans toute sa noblesse que m’inspire le livre quand je le referme. – sans vouloir déflorer l’intrigue-

J’ai moins aimé : quelques coquilles.