Chroniques régulières sur des livres, présentations de nouveaux auteurs

đź’śđź’śOXYGENE de M.J. Arlidge

RESUME

Les Escales Noires
385 pages
02/2019
10/18
12/02/2020
Helen Grace, enquĂŞtrice Ă©mĂ©rite du commissariat de Southampton est envoyĂ©e sur un crime commis dans une boĂ®te de nuit Le Cachot. Dans ce club sadomasochiste rĂ©putĂ©, un jeu sexuel a tournĂ© au cauchemar pour un client froidement assassinĂ©, asphyxiĂ© jusqu’Ă  la mort. Mais Ă  la dĂ©couverte du corps, entourĂ©e de son Ă©quipe les capitaines Brooks et Sanderson, Helen doit dissimuler son choc car elle connaĂ®t la victime. Il s’agit de Jack, son ami, son dominateur, car elle aussi est une adepte de SM. Faisant fi de sa relation avec le dĂ©funt, Helen mène l’enquĂŞte, Ă  la poursuite du meurtrier.
Parallèlement, la presse, et surtout une certaine Emilia Granita, s’empare de l’affaire. Comme Helen, son ancienne amie est devenue son objet de dĂ©testation, la journaliste,  fouine comme jamais. Les traces d’ADN vont orienter les soupçons vers Paul Jackson, un homme mariĂ© et bon père de famille. Son penchant pour des pratiques sexuelles particulières restĂ©es secrètes va ainsi ĂŞtre dĂ©voilé… au grand jour car la presse en a eu vent Ă  cause d’indiscrĂ©tions policières. Alors, sous la pression mĂ©diatique, la honte conjugale va pousser celui-ci Ă  une tentative de suicide tandis qu’un autre crime sadomasochiste est commis dans des circonstances analogues au premier.
Le criminel s’attaque Ă  nouveau Ă  l’une des connaissances d’Helen et lĂ , tout bascule pour elle.
Bizarrement ,Helen se sent liĂ©e indirectement aux crimes. De ce fait, pour se dĂ©douaner d’ĂŞtre en charge de cette affaire, elle confie l’incongruitĂ© de sa place Ă  son supĂ©rieur Gardam. Difficile alors de cacher Ă  cette homme l’origine des relations avec les victimes. Or, celui-ci, sous l’influence d’un bĂ©guin secret pour Helen, lui accorde la prĂ©rogative de mener l’enquĂŞte.
Avec ses deux capitaines en compétition sous ses ordres, et une journaliste assoiffée de scoops, Helen craint de se voir mise à nue ; alors, elle ne va pas tarder à devoir agir en solo.

MON AVIS

Ce service de presse proposĂ© par le site Netgalley et la maison d’édition Les Escales Noires m’ont fait dĂ©couvrir un Ă©crivain britannique Ă  l’Ă©criture très noire. Cet auteur de plusieurs romans en a dĂ©jĂ  certains sortis dans le format poche. Sa 👉 biographie (cf. wikipedia) mentionne aussi ses compĂ©tences de scĂ©nariste de sĂ©ries tĂ©lĂ©visuelles.

UN MONDE SADO-MASO

On erre dans un cercle un peu tabou. Momification, bondage, fouet, corde et la panoplie de tout un matĂ©riel spĂ©cialisĂ© font rĂ©fĂ©rence au vocabulaire « propre » d’une sexualitĂ© dĂ©bridĂ©e. Des « amours bestiaux » se dĂ©veloppent au sein d’un monde de duretĂ© impitoyable, de revanches, de chantage. Une sociĂ©tĂ© oĂą règne le faux. On y perd son latin, et les acteurs de ces simagrĂ©es eux-mĂŞmes aussi : exemple avec la trans, Pandora alias Samantha, alias Michael James Parker… les identitĂ©s valsent, les apparences trompent. La noirceur de ce tableau de la nuit met en lumière le cĂ´tĂ© obscur d’êtres a priori « rangĂ©s » adeptes de pratiques inavouables.

Le risque de rejet, explique la solitude vu l’impossibilitĂ© d’assumer ses prĂ©fĂ©rences. Cette idĂ©e s’accroĂ®t avec la mise en scène de crimes sordides difficiles Ă  rĂ©soudre, et oĂą personne ne pleure les victimes. Pour ceux qui s’assument comme Jake Elder, la dĂ©sinvolture de sa famille en tĂ©moigne.

L’univers du sadomasochisme ne cadre pas avec l’héroïne ; pourtant elle en est familière, voire habituée. On la découvre alors avec un œil neuf et surpris qui déroute le lecteur, bientôt gagné par le malaise de la sentir visée par les drames.

LES ETATS DE GRACE

Je fais connaissance avec ce roman de Helen Grace, un personnage rĂ©current de l’auteur. Ici, perçue comme une enquĂŞtrice expĂ©rimentĂ©e, elle est redoutĂ©e et respectĂ©e. On cerne vite une force non feinte chez cette femme, mĂŞme si ce trait de caractère tranche avec cette amorce de l’auteur :

« Sa vie était si compliquée, si perturbée, les obstacles et les dangers si nombreux, que rares étaient les endroits où elle se sentait vraiment en paix. Ici, en revanche, minuscule silhouette anonyme enveloppée par l’obscurité infinie du parc, désert, elle était détendue et heureuse. Plus encore elle était libre. »

L’ambiguĂŻtĂ© du personnage est remarquable. La droiture de son mĂ©tier exercĂ© durant sa vie diurne s’oppose Ă  ses frĂ©quentations et pratiques sexuelles de la nuit. Son goĂ»t prononcĂ© pour le SM surprend et dĂ©tonne avec les apparences de sagesse de cette femme de caractère. Mais sans les exposer Ă  l’envi, elle assume nĂ©anmoins ses tendances.

L’inspiration et la méthode étudiée du criminel ont porté leurs fruits… car les pistes de la police se succèdent jusqu’à l’inattendu.  On comprend que les coups assenés dans la vie passée de Helen ont laissé des marques dans son présent. Elle-même comprend que cette affaire la touche de près. Mais pourquoi ? Dans ce milieu, tout semble factice… jusqu’au bout.

J’avoue ma sidération à la page finale qui me laisse sur ma faim. J’attends la suite pour une véritable fin, moins déconcertante.

Vous pouvez vous procurer l’ouvrage chez votre libraire, chez DECITRE ou à la FNAC.
Votre avis sur la chronique ou le livre est le bienvenu…

Citation(s) pour en avoir avant-goût

—  « Allez, dit-il, d’une voix suave. Ne me fais pas languir. Ça fait longtemps qu’on ne m’a pas donné d’amour.
Il ferma de nouveau les paupières et attendit. Que recevrait-il en premier ? Une claque ? Un coup ? Une caresse ?
Un éventail presque complet de l’humanité défila devant les yeux d’Helen qui s’en délecta, ivre du sentiment de toute-puissance que lui conférait sa vue en hauteur.
C’était peut-être seulement dans la mort que la vraie personnalité apparaissait au grand jour.