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Jean de La Fontaine de J-M Delacomptée 💚💚💚💚

« Portrait d’un pommier en fleurs » : Jean de La Fontaine, virtuose des fables.

Tout le monde, même les moins littéraires, a entendu parlé de Jean de La Fontaine connu comme un virtuose des fables. Pourtant, il est également auteur de contes. Ainsi, cette biographie permet de mieux connaître cet écrivain prolifique, évoluant au milieu de ses contemporains, dans la France de Louis XIV. J’ai extrait quelques phrases du livre pour vous présenter ce prodige intemporel des mots. 

Cherche Midi
08/23
208 p.

 Jean-Michel Delacomptée a ajouté un sous-titre « Portrait d’un pommier en fleurs » pour insister sur le fait que les écrits de la Fontaine, c’est-à-dire les fables sont le fruit d’un gros travail malgré une inspiration débordante. Dans « Le Pouvoir des fables », La Fontaine expose deux méthodes de persuasion. L’une en appelle à la raison, l’autre à l’imagination. Avec ce présent ouvrage, on connaît mieux les textes du « bonhomme », et il vous incitera à relire ses fables avec un œil neuf. Symboliquement, une fable pourrait coiffer toutes les autres : « Les Souris et le Chat-huant ».

Pour en lire quelques unes cliquez ici (merci à la bibliothèque électronique du Québec).

La scansion de ses vers aussi, leur rythme, leurs sonorités qui les rendent faciles à retenir, comme si, par une intuition instinctive et géniale, leur fluidité s’ajustait aux circuits neuronaux du cerveau, épousait la vitesse de leurs transmissions, coïncidait instantanément avec la complexité de leur réseau, et, mobilisant ses singulières facultés, faisait de lui un neurologue empirique. Alors, l’hypothèse d’un léger trouble mental peut servir de clé pour expliquer l’étrange persévérance de sa postérité.

Respectueux de la langue française et de ses règles d’orthographe ou de grammaire, ce dernier recherchait aussi la perfection littéraire, tout en s’attachant au rythme de la lecture de ses textes.
Prépondérante, pulsation quasi organique, la musique donne le la (sur ses vieux jours, Jean s’achètera un clavecin). « Il n’y a point de bonne poésie sans harmonie », écrit-il dans la préface du premier recueil des Fables. Régler et suivre le rythme à la perfection requiert d’apprécier les impératifs des ordonnancements, et même de les vénérer.

Une personnalité complexe

Elle révèle des caractéristiques d’un autisme Asperger. Son attitude – où l’on notera son humeur étrangement triste, et même froide – pouvait interloquer ceux qui le découvraient. Mais on acceptait le personnage : il passait exactement pour ce qu’il était, un original.

Le monde qu’il décrit baigne dans une férocité sans nom. À cet état il n’existe pas de remède en dehors du besoin réciproque que chacun a d’autrui, témoin « L’Âne et le Chien ». L’ingratitude révolte la conscience à en pleurer de dégoût. Témoin « La Forêt et le Bûcheron », où il dit sa fatigue devant le vice incurable. Ingratitude et tromperie vont de pair, comme fourberie et mensonge. Réputé, d’après Charles Perrault, dire toujours ce qu’il pense, et incapable de mentir, Jean est si franc qu’il en paraît benêt.


Conscient de la nécessité de plaire pour exister comme écrivain. En 1669, s’étant déjà acquis du renom après la publication du premier recueil des Fables, il écrit : « Mon principal but est toujours de plaire : pour en venir là, je considère le goût du siècle. » Sa source d’inspiration, il l’a trouvée auprès d’Honoré d’Urfé avec l’Astrée où l’espace bucolique est très présent. Et par ailleurs ses écrits sont imprégnés de l’élément Eau observé en permanence dans ses fables.

Marié par convenance, puis père d’un fils unique dont il ne parle jamais, il a peu vécu en famille. En effet, il a passé une grande partie de sa vie chez Madame de la Sablière, puis chez d’autres mécènes à la mort de celle-ci. Il a bénéficié de la protection de Fouquet jusqu’à l’arrestation par Louis XIV de son bienfaiteur. Alors tout en restant loyal à son ami, l’auteur va s’adapter et rechercher le lectorat du fils illégitime du roi. L’indépendance d’esprit n’empêche pas d’accepter les règles. Dans sa relation aux puissants, le blâmer de son respect des formes serait ne rien comprendre aux certitudes de ces temps habités par l’infinie sagesse de Dieu.

Je remercie NetGalley et les éditions Cherche Midi pour cette lecture.