Chroniques régulières sur des livres, présentations de nouveaux auteurs

đź’śđź’śđź’śALABAMA SHOOTING de John N. Turner

RĂ©sumĂ© : Mass murder Ă  l’université 

Une professeur d’universitĂ© coupable d’un mass murder en rĂ©union, dans le couloir de la mort, raconte sa vie.

L’Aube
2015
250 p.
Huntsville, Alabama, le 10 février 2010, en fin d’une réunion à l’université, la professeure Joan Travers sort une arme de son sac et tire sur plusieurs collègues, en abat trois et en blesse autant. Puis, avec calme, elle quitte la scène de tuerie et demande son mari de venir la chercher.
Mais cette mère de quatre enfants, diplômée de la prestigieuse université de Harvard, se fait arrêter. Mais en prison, elle nie en bloc toute culpabilité et dit ne se souvenir de rien depuis l’entrée dans la salle de réunion. Elle maintient sa version au fil des jours tandis que son cas défraye la chronique. Son avocat commis d’office, dépité par tous les témoignages qui accablent sa cliente, prépare néanmoins son jugement. En attendant son procès, Joan, retrace sa vie, de sa jeunesse près de Boston jusqu’à cette fameuse journée dont elle ne se souvient plus. Elle souffre, car ses enfants et surtout son fils, lui manquent.

À MON AVIS…

J’ai rencontré J. N. Turner (non, il n’est pas américain !) lors d’une dédicace à Chambéry. Il m’a laissé l’impression de quelqu’un d’affable très abordable, malgré un parcours de médecin et d’écrivain confirmé avec plusieurs romans à son actif.

J’ai choisi de dĂ©couvrir son style avec ce roman pour le moins dĂ©routant, basĂ© sur un fait divers d’une tuerie de masse, un mass murder, ou mass shooting selon le phĂ©nomène tristement rĂ©pandu aux États-Unis. Sa plume a su retranscrire avec des mots justes et le ton appropriĂ© les sentiments, l’amertume et le dĂ©sabusement de Joan Travers, la narratrice accusĂ©e toute dĂ©signĂ©e de ces crimes. Une vie bien remplie qui retrace celle d’une gĂ©nĂ©ration aux États-Unis dans les annĂ©es 90’s.

Alors cette mère de famille socialement intégrée présente une vie en apparence normale. Alors si c’est elle à l’origine du massacre, pourquoi ce coup de folie soudain ?

COUPABLE, INNOCENTE

La prisonnière, sur le point de se retrouver dans le couloir de la mort, couche ses confidences par écrit. Beaucoup d’amertume, et une prise de recul lucide nous font comprendre la solitude intellectuelle et affective dans laquelle elle vit. Pourtant, même si les preuves crient sa culpabilité dans la scène meurtrière, elle refuse de l’admettre et poursuit sa narration pour capter le lecteur impatient de la comprendre et croire à son innocence.

Intelligente et combative 

En tout cas, on suit ce personnage de sa jeunesse Ă  aujourd’hui avec beaucoup d’intĂ©rĂŞt car, elle semble maitriser depuis toujours son destin. D’abord plongĂ©e Ă  corps perdu dans les bouquins, elle poursuit des Ă©tudes supĂ©rieures. Elle rejoint alors l’élite universitaire et ses distinctions aboutissent Ă  faire de la recherche. Ce secteur compĂ©titif confronte ses docteurs dans une rivalitĂ© incessante. La combativitĂ© se mesure au nombre de publications, Ă  la servilitĂ© envers les « maitres ». Parfois, s’y mĂŞle aussi le favoritisme fondĂ© sur la discrimination avec la misogynie ou le racisme.

Et ce Graal intellectuel compense largement le dĂ©sastre d’une vie terne. Mais les frustrations s’accumulent pour notre hĂ©roĂŻne… particulière. Que lui importe : seuls ses enfants comptent.

Dès le début du roman, on identifie la relation mère-fille comme la charnière du problème. Une nette préférence pour son frère cadet, Keith, a marqué Joan durant son enfance. Alors, à la mort accidentelle de celui -ci, elle a alors conditionné ses projets dans le but de combler le manque de la présence du fils idéal pour sa mère. Cependant, le lecteur lira une ambiguïté sur la distanciation entre les deux femmes car, en prison, sa mère reste son inconditionnel et unique soutien, par le biais de ses lettres.

En conclusion,

l’Ă©criture fluide très agrĂ©able et bien construite avec un vocabulaire prĂ©cis, permet une lecture addictive. En effet, la personnalitĂ© affirmĂ©e de l’hĂ©roĂŻne est attachante. Son rĂ©cit biographique, linĂ©aire est plaisant, et Ă  dĂ©faut de trĂ©pidations, on bascule aisĂ©ment dans la sociĂ©tĂ© amĂ©ricaine contemporaine.