Chroniques régulières sur des livres, présentations de nouveaux auteurs

💜💜💜💜 JETEZ-MOI AUX CHIEN de Patrick McGuiness

RÉSUMÉ

1018
20/01/2022
380 p.
Wolpharm a enseigné la littérature dans un lycée privé. Mais celui-ci semble le dernier à avoir vu Zalie Dyer vivante dont la dépouille a été retrouvée dans un sac-poubelle. Très vite soupçonné, l’unique suspect ne se laisse pas impressionner par un très long interrogatoire et refuse même l’assistance d’un avocat.
Sans preuve pour l’inculper, la police poursuit ses investigations, et pour cela elle collabore avec la presse par l’intermédiaire d’une journaliste surnommée Mad Lynne. Les méthodes efficaces, mais douteuses de ses interviews pour épingler des scandales réussiront peut-être à épaissir le dossier contre Wolpharm ou le disculper. L’engouement pour l’affaire se déchaine, et procure un quart d’heure de renommée à ceux qui ont connu de près ou de loin le suspect. Sa vie est passée au crible et publiée dans les médias. L’opprobre est jeté sur ce personnage singulier qui cadrerait à celui qui est bientôt surnommé le « Loup de Chapelton ».
Cependant, un dilemme se pose aux enquêteurs, car l’un d’eux, Ander se souvient de son ancien enseignant à l’opposé du portrait dépeint dans la presse. Alors, si ce n’est pas celui que tout le monde désigne, qui est le coupable ?

MON AVIS

Dans ce polar un peu particulier, la psychologie et la morale tiennent beaucoup de place, car l’enquĂŞte criminelle passe au second plan. Le titre tout Ă  fait appropriĂ© illustre la condamnation sans procès et la torture morale assĂ©nĂ©e Ă  quelqu’un qui ne rentre pas dans le moule. Le style d’écriture très agrĂ©able et son scĂ©nario original Ă©crit en 2020 lui ont valu une rĂ©Ă©dition chez 10-18. La narration de Prof, l’un des deux enquĂŞteurs s’alterne avec des chapitres un peu obscurs au dĂ©but. Dommage qu’il faille attendre les 50/60 premières pages pour baigner effectivement au coeur de l’intrigue. Je dirais qu’il y a plusieurs histoires dans l’histoire, d’oĂą une lecture divertissante malgrĂ© la morositĂ© de l’ambiance gĂ©nĂ©rale.

L’ambiance sombre dans cette Angleterre d’aujourd’hui fait flashbacks avec des passages Ă©nigmatiques Ă©voquant le vĂ©cu de deux collĂ©giens. La poursuite de la lecture Ă©claire le lien Ă  faire pour les relier au prĂ©sent, c’est Ă©difiant et stupĂ©fiant. La cohĂ©rence est prĂ©sente chez tous les personnages, mĂŞme les plus nĂ©gatifs.

LE PRÉ-JUGÉ

Un peu moralisateur sur les travers de notre société, ce livre donne une leçon d’humilité et rappelle les dangers de juger, de préjuger. Heureusement, sa noirceur à cause de thèmes dramatiques (pédophilie) est allégée par les personnages secondaires pour leur marotte extravagante (cf. la nièce de Prof et Madame Snow).

L’enquête policière doit neutraliser les préjugés qui condamnent sur les apparences. Exit la présomption d’innocence dans les esprits. L’atrocité de l’assassinat sordide d’une jeune femme stimule la foule encline à apporter sa touche pour médire du coupable tout désigné. La journaliste Mad Lynne, et tous les médias ou réseaux sociaux l’ont condamné, simplement parce qu’il n’est pas conforme à ce ce qu’il devrait représenter.

HORS-LA-NORME

Hors des codes normatifs, Wolpharm concentre contre lui toutes les haines. Ses tenues vestimentaires toujours impeccables, son goût pour les films d’art et d’essai, sa discrétion et sa sensibilité le singularisent, il détonne par rapport à ses collègues. En plus, sa vie sociale réduite le pénalise encore. Mais l’enquêteur, chargé de l’affaire, tout aussi atypique dans ses goûts et son mode de vie a gardé un souvenir reconnaissant de son ancien professeur. Alors sa subtilité et son opiniâtreté convaincront son adjoint de rester objectif. Mais comment innocenter quelqu’un que tout accuse ?

Beaucoup de thèmes 

L’amitiĂ©, la diffĂ©rence, les traumatismes d’enfant, les souvenirs refoulĂ©s, la copie du schĂ©ma parental. Les rencontres par internet, les rĂ©seaux sociaux, retrouvailles par Internet.

L’illustration du lycĂ©e. Une gĂ©nĂ©ration de jeunes garçons a subi des sĂ©vices sexuels de la part de professeurs dĂ©nuĂ©s de conscience. Devenus adultes, ils scolarisent leurs propres enfants auprès des mĂŞmes enseignants.

L’auteur (source Babelio.com)

Patrick McGuiness né en 1968 est professeur de littérature comparée à l’Université d’Oxford. Il a publié de nombreux recueils de poèmes pour lesquels on lui a décerné le Eric Gregory Award et le prix Levinson du magazine Poetry. En 2013, il publie son premier roman, Les Cent derniers jours (Grasset).

Citation :

P. 144
Mais c’est toi qui es embrouillé. Tu parles tout seul, tu marmonnes des bribes de poésie à ton bureau, je contemple le fatberg, la fenêtre et tu passes des soirées avec une vieille toquée qui est persuadée que son mari est revenu d’entre les morts. Le seul truc qui est à peu près normal et sain dans ta vie, c’est ta nièce, et même ça, tu réussis à le gâcher en lui faisant écouter des sifflement de bouilloire et bruit d’aspirateur.
Remerciements au site Netgalley.com et aux Ă©ditions 1018 pour ce service de presse.
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