Quatrième de couverture
Alors que l’affaire Dreyfus bat son plein, César Ritz est sur le point d’ouvrir les portes de son nouveau palace parisien, dont les cuisines ont été confiées au grand chef Auguste Escoffier. Quel n’est donc pas le choc ressenti lorsque, à quelques jours de l’inauguration, le cadavre d’une jeune femme est retrouvé pendu dans une chambre froide du Ritz. Pour ne pas ébruiter l’affaire, l’enquête est confiée au filleul d’Auguste Escoffier, Quentin Savoisy, jeune journaliste gastronomique au Pot-au-Feu. Épaulé par sa fiancée aristocrate et féministe de la première heure, Quentin est loin d’imaginer qui se cache derrière ce terrible meurtre.
MON AVIS
Je dĂ©couvre Michèle Barrière. Sa plume prolixe nous gratifie d’une bibliographie de plus de dix-huit romans conçus dans la mĂŞme trame : des enquĂŞtes policières menĂ©es dans un contexte historique, du Moyen-Age jusqu’aux annĂ©es 30. Ainsi, « Meurtre au Ritz » illustre maints faits sociaux et politiques situĂ©s au dĂ©but du 20ème siècle. Les amateurs de romans historiques et politiques se rĂ©jouiront de baigner dans un enquĂŞte policière dans l’ambiance troublĂ©e de Paris et d’autres capitales d’Europe, avant la Grande Guerre.
UN POLAR MONDAIN
Quelle magnifique idĂ©e de choisir ce cadre fastueux pour mettre en scène un crime sordide ! L’intrigue dĂ©bute avec la dĂ©couverte du cadavre de Justine Baveau venue pour un entretien d’embauche au Ritz. Avec ce crime commis dans l’arrière-cuisine de l’HĂ´tel encore en travaux Ă quelques jours de son inauguration, la tension est Ă son comble. En effet :
« Le Gotha international, la plus haute finance, les artistes, les sportifs, les femmes les plus recherchées, les lanceurs de mode, tous avaient répondu à son invitation. C’était un triomphe. »
Le rĂ©cit redonne vie Ă un personnage atypique, CĂ©sar Ritz, fondateur avant-gardiste du palace du mĂŞme nom, fort de rĂ©putation mondiale après son succès Ă l’Hotel de Savoie de Londres. Choisir de collaborer avec l’illustre cuisinier Auguste Escoffier atteste d’un perfectionnisme qui a fait sa renommĂ©e. Mais sa rigueur, son exigence professionnelle et son modernisme, expliquent aussi son succès.
Notre hĂ©ros, Quentin Savoisy, filleul d’Escoffier et chroniqueur culinaire, est chargĂ© d’Ă©lucider le crime de Justine, Ă©touffer pour Ă©viter tout scandale. Et, devant la complexitĂ© de l’enquĂŞte, le jeune homme pusillanime endosse alors l’envergure d’un dĂ©tective et, avec pugnacitĂ© et courage surmonte ses a priori frileux jusqu’Ă se mettre en danger. Mais les morts s’accumulent, et Quentin soulève multiples complots europĂ©ens et politiques qui le font douter de tous, mĂŞme de la police.
DANS LES RUE DE PARIS
Un roman social selon moi, oĂą Paris mĂ©lange toutes les classes sociales dans ses rues. Notre hĂ©ros dĂ©ambule dans Montmartre, chemine le long des restaurants, troquets, et auberges… Il se rend aux Halles, près de l’OpĂ©ra, on visite les Halles, grand marchĂ© d’avant-Rungis…
L’homme a la part belle mais l’auteure accorde Ă la femme sa lettre de noblesse par l’intermĂ©diaire de Diane, la fiancĂ©e de Quentin, journaliste fantasque et audacieuse. Le couple moderne en union libre abat les barrières sociales de l’époque. FĂ©ministe militante, indĂ©pendante, et instruite, dotĂ©e d’un brin fantaisiste, Diane dĂ©tonne de ses contemporaines. Moderne, elle travaille malgrĂ© son rang social qui pourrait l’en dispenser et d’ailleurs, elle s’active avec enthousiasme pour le journal 👉 LA FRONDE, papier engagĂ© et fĂ©ministe. Diane ne lĂ©sine pas sur les prises de risques pour sa passion du mĂ©tier. M. Barrière n’est pas avide de renseignements historiques sur la question, vĂ©rification faite par moi-mĂŞme…). La patronne de Diane, 👉 Margueritte Durand n’est pas un personnage fictif.
ROMAN POLITIQUE
L’environnement populaire alentour teinté de paupérisation paraît indécent à côté du faste du Ritz. Alors les éléments sociaux et politiques se justifient.
La mort de Justine Baveau suscite moults questions que notre intrĂ©pide hĂ©ros va devoir dĂ©nouer. Les complots politiques fourmillent dans cette France encore traumatisĂ©e par la guerre de 1870. L’Europe couvent de nombreux perturbateurs de tous les cĂ´tĂ©s : AntisĂ©mite, Les Nationalistes, comme la Gauche internationale, les anarchistes. Chacun revendique des attentats au nom de leur cause. Difficile de s’y retrouver dans toute cette violente populaire. Ainsi, d’un banal crime digne d’un fait divers, Quentin va en envisager une dimension politique, jusqu’Ă une sidĂ©rante conclusion.
Ce livre retranscrit le trouble de cette période politique où l’extrême dénuement de la population supporte mal l’opulence avoisinante. Là encore, nombre références historiques colorent le récit de noms, et de faits réels.
ROMAN GASTRONOMIQUE
Les recettes, les mets, desserts et menus divers assaisonnent presque toutes les pages et titillera les papilles de tous les gourmands. Le livre s’assimile Ă un guide des bonnes tables de l’Ă©poque.
Un soupçon d’humour teinte ce contexte politique quand les menaces des Nationalistes imposent une requalification des menus pour des noms en rĂ©fĂ©rence Ă la France. Ils mĂ©prisent les plats bien plus raffinĂ©s plus conformes Ă un restaurant gastronome comme ceux servis au Ritz. L’Ă©laboration du menu pour l’inauguration fait sourire.
N’oublions pas de rendre à César ce qui lui revient. Prenez cet exemple : la pêche Melba a été inventée par Auguste Escoffier.
Autre note insolite avec la prĂ©sentation d’un dĂ©calage alimentaire avec notre Ă©poque. La revue culinaire « Pot au feu » oĂą Ă©crit Quentin, Ă©voque une recherche sur la consommation de viande d’ours !
Le plus :
La fin du livre propose un recueil de plusieurs recettes traditionnelles.
Mon regret :
NoyĂ©e dans les rebondissements de l’enquĂŞte, les quelques mois qui me sĂ©parent de la lecture m’ont embrouillĂ© les souvenirs sur les mobiles prĂ©cis des crimes.
Une belle lecture. Livre dense et riche pour plusieurs heures de lectures. Et on passe un bon moment.
Vous pouvez vous le procurer sous le format pratique de Livre de Poche chez votre libraire, chez DECITRE ou Ă la FNAC.
Votre avis sur la chronique ou le livre est le bienvenu…
Citation(s) pour un avant-goût
– P. 62 : « Quis, quid, ubi, quibus auxiliis, cur, quomodo, quando… ».
Qui est le coupable, quel est le crime, où est-il commis, par quel moyen, pourquoi, de quelle manière, quand ?