Chroniques régulières sur des livres, présentations de nouveaux auteurs

💚💚💚💚PARDON MAMAN POUR CE QU’ILS T’ONT FAIT de Laurence Dezélée

 Résumé :

« Le legs de corps, une volonté généreuse et utile à la science »

Les legs de corps permet à la science d’évoluer mais L. Dézélée en fait le constat bouleversant d’un détournement immoral et vénal.

portrait de Laurence Dezélée
PLON
04/23
120 p.
La maman de l’auteur, morte en 2015 voulait faire un legs de son corps à la science. Et même si sa fille n’apprécie pas ce sacrifice, elle a respecté sa volonté altruiste, nécessaire à l’avancée médicale et chirurgicale.
Mais en 2019, un article de journal ébranle Laurence Dezelée. Titré “don du corps à la science : un charnier au cœur de Paris”, il évoque un scandale à l’hôpital Descartes, un centre de don du corps où la dépouille de sa maman a été confiée.
Et là, la narratrice, perturbée, se rappelle n’avait jamais pu obtenir de réponse sur le devenir du corps depuis toutes ces années. Alors les doutes s’emparent d’elle et sa moralité filiale lui impose d’enquêter pour un constat effroyable. Son témoignage, comme celui d’autres familles va s’attacher à enrayer les dérives de cette débâcle morbide.

Mon avis

Cette lecture originale avec le thème tabou et pas très folichon de « l’après-vivant » permet d’aborder le legs du corps à la science. Personnellement, je m’interroge quant aux entraves morales des proches malgré l’admirabilité et l’utilité de ces initiatives, car le deuil se complique pour les proches. Attention, ce livre n’est pas un réquisitoire contre le don du corps pour la recherche scientifique ou médicale. Au contraire.

En effet, elle explique le bien-fondé de cette pratique et détaille son bon déroulement dans les règles. Sans les dons de corps, la médecine ne pourrait pas évoluer. Nos chirurgiens, nos dentistes et tous ceux qui prennent soin de notre vivant ont besoin de ces morts pour s’exercer. En théorie, la déontologie ménage les consciences, c’est-à-dire : la durée de conservation est limitée, et la famille est avertie lors de la crémation. Tout est encadré (voici un lien pour vous éclairer).   

Des corps à la dérive…

L’auteure dénonce les dérives au sein d’un centre de don du corps comme celui de Descartes situé dans la très convenable rue des Saints-Pères. Son enquête acharnée a permis d’y soulever des dérapages.  En réponse, des procès, puis les autorités s’attèlent à mieux encadrer la pratique séculaire nécessaire à la médecine.

Le constat bouleversant : détournements sans scrupule de l’utilisation des corps moyennant finances. Oubliés les scalpels pour mieux servir le secteur automobile avec des crash tests, utilisation dans le domaine militaire… quand ce n’est pas pour alimenter des cabinets de curiosité. Finalement, contre des billets, on obtient un corps.

L’anarchie régnait dans le CDC de Descartes, aucune traçabilité n’est respectée. Les règles rigoureuses du traitement des corps quand leur service n’est plus requis pour la recherche médicale a laissé place à une désinvolture éhontée.
Avec quel mépris et quelle déconsidération les « préparateurs » maltraitent les cadavres, et indirectement se moquent du sacrifice des familles. Comment supporter de telles barbaries sur ces personnes mortes même si elles sont dénuées de vie ? L’humain n’y a plus sa place. On s’interroge sur la constitution mentale de certains acteurs du sordide. Un véritable charnier où les corps sont réduits à de banals objets.

Je vous incite ardemment à lire cet ouvrage : un recueil de l’inimaginable. En effet, l’auteure a dû faire une seconde fois le deuil de sa maman. La rédaction de cet ouvrage lui a permis de passer le cap de son traumatisme.  

Mais attention, la France ne détient pas le monopole de le genre. Heureusement, les autres centres de legs de corps servent vraiment un intérêt public.

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Citations

Les travaux terminés, mon témoin m’a précisé qu’il était d’usage de remettre les corps dans l’état le plus présentable possible, même si certaines études peuvent être très mutilantes. Dans ce cas, les cadavres partaient directement à l’incinération, après avoir été recousus malgré tout. Les familles étaient ensuite prévenues que les travaux étaient terminés et que leur proche allait partir à la crémation. Voilà pour la théorie, en effet, nombre d’entre nous n’ont pas ététenus informés après que le corps de leur proche eut achevé de servir.

P. 54.

Il me confirmera qu’il y avait peu de dissections pour les étudiants en médecine à la faculté et que l’essentiel des revenus provenait des corps envoyés à l’extérieur du CDC, dans des laboratoires, au sein de l’armée ou pour des crash-tests automobiles.

Page 64.

Béatrice Dalle assure qu’un jour, avec une de ses amies, étudiante en médecine à Paris, elle avait décidé de se faire cuire des pâtes. Sans le sou et suffisamment décomplexée pour tenter cette expérience hors du commun, elle y aurait ajouté des bouts d’oreilles humaines se trouvant dans le frigidaire de sa copine. Les deux jeunes filles étaient seules, et personne d’autre n’était présent pour les ramener à la raison ou vérifier leurs dires. Elles ont seulement suivi leur pulsion du moment.

P. 114

Ces dons sont précieux et encore trop rares. Grâce à ces personnes généreuses qui ont confié leurs dépouilles aux centres du don, lorsque les chirurgiens vous opèrent, leurs gestes sont précis et sans danger parce que répétés maintes et maintes fois auparavant sur des corps sans vie.