Chroniques réguliÚres sur des livres, présentations de nouveaux auteurs

💜💜💜 Marin Ledun

Quatriùme de couverture SALUT À TOI Ô MON FRÈRE

Gallimard
Avril 2018
275 pages
Gallimard
02/05/2019
305 p.
La grouillante et fantasque tribu Mabille-Pons : Charles clerc de notaire pacifiste, AdĂ©laĂŻde infirmiĂšre anarchiste et excentrique, les enfants libres et grands, trois adoptĂ©s. Le quotidien comme la bourrasque d’une fantaisie bien peu militaire.
Jusqu’à ce 20 mars 2017, premier jour du printemps, oĂč le petit dernier manque Ă  l’appel. Gus, l’incurable gentil, le bouc Ă©missaire professionnel a disparu et se retrouve accusĂ© du braquage d’un bureau de tabac, mettant Tournon en Ă©moi.
Branle-bas de combat de la smala ! Il faut faire grappe, retrouver Gus, fourbir les armes des faibles, dĂ©faire le racisme ordinaire de la petite ville bien mal pensante, lutter pour le droit au dĂ©sordre, mobiliser pour l’innocenter, lui ĂŽ notre frĂšre.

QuatriĂšme de couverture de LA VIE EN ROSE

Ses parents partis parcourir la PolynĂ©sie, Rose installĂ©e avec le lieutenant Personne se retrouve seule pour s’occuper de ses frĂšres et sƓurs.
Coup sur coup, elle est confrontĂ©e au cambriolage du salon de coiffure oĂč elle travaille (elle y fait la  lecture pour les clientes), Ă  la dĂ©couverte inopinĂ©e de sa grossesse et au meurtre de l’ex-petit ami de sa sƓur. Et bientĂŽt, c’est le meilleur ami de Camille que Rose dĂ©couvre poignardĂ©.
Entre deux nausĂ©es, deux crises existentielles en marge de l’enquĂȘte parallĂšle qu’elle mĂšne, Rose doit encore s’occuper du suivi scolaire de sa sƓur, des peines de cƓur de son frĂšre aĂźnĂ©, des plaintes du directeur de l’hĂŽpital oĂč travaille Antoine son autre frĂšre qui organise des strip-pokers au service gĂ©riatrie, et la lecture aux clientes du salon.
Pendant ce temps, l’assassin continue de s’en prendre aux jeunes gens du lycĂ©e oĂč Camille est scolarisĂ©e. Alors qu’elle est censĂ©e prĂ©parer une marche de soutien Ă  la derniĂšre victime, celle-ci disparaĂźt.

MON AVIS

L’auteur avec plus d’une quinzaine d’ouvrages Ă  son actif s’est essayĂ© avec succĂšs Ă  l’humour dans ces deux derniers romans. Le style d’Ă©criture amusant nous gratifie d’un comĂ©die policiĂšre loufoque qui fait du bien au moral et s’agrĂ©ment d’un rĂ©alisme social. J’adhĂšre Ă  cet humour et en voici quelques menus extraits pour avoir un avant-goĂ»t du style.

Citations

Je tñche de prendre le ton le plus neutre possible pour ne pas l’effrayer :
— tu vas rire, maman, je ne trouve pas Gisùle.
Ses yeux s’ouvrent illico en grand. Oups ! Je regrette aussitĂŽt l’emploi du « tu vas rire » — on ne se mĂ©fie jamais assez du pouvoir antiparastasique de l’antiphrase. (p. 21)
Ma mĂšre me dĂ©visage d’un air effarĂ©, comme si je venais de lui annoncer que Dieu m’était apparu, qu’il portait une toge orange et qu’il m’avait ordonnĂ© de placer toutes les Ă©conomies de la famille en Bourse. (P. 35 )
 [ 
 ] Plainte pour disparition inquiĂ©tante d’un mineur de moins de seize ans, mise en danger de la vie d’autrui et divulgation Ă  la presse de piĂšces supposĂ©es confidentielles du dossier par les forces de police chargĂ©es de l’enquĂȘte….. il fustige, Boyer. Il vitupĂšre. Il s’insurge. Il ne pivoine pas, Boyer, il ne rosit ni ne groseille pas non plus ! Il erubesce. Il Ă©crevisse. Il Ă©carlate. Il cramoisit. Il Ă©ructe en se frappant la poitrine du poing comme le mĂąle dominant d’un groupe de gorilles pour affirmer sa supĂ©rioritĂ©. (P. 72)
Je me sens comme Alice de l’autre cĂŽtĂ© de l’autre miroir, retraversant le miroir en sens inverse, mais dĂ©barquant dans une rĂ©alitĂ© oĂč l’absurde et le bizarre seraient devenus la rĂšgle. Par ailleurs, je retire tout le mal que j’ai pu dire par le passĂ© des couples de tĂ©moins de JĂ©hovah et des dĂ©marcheurs commerciaux. Ces gens sont des hĂ©ros. (P.121)
Je vous explique : un calcul rĂ©nal a la forme d’un astĂ©roĂŻde truffĂ© de pics et d’arĂȘtes acĂ©rĂ©es comme celui dans Armageddon dans lequel Bruce Willis et ses petits copains mineurs doivent former un puits pour y placer une charge nuclĂ©aire afin de sauver la Terre. (P.135)
N’allez pas croire que j’ai une dent contre les retraitĂ©s, hein ! Je sais ce que l’industrie du camping-car leur doit . Je n’ai d’ailleurs que mĂ©pris pour les populistes qui leur reproches de ne rien foutre toute la journĂ©e, de vivre aux crochets des travailleurs et de bĂ©nĂ©ficier de rĂ©ductions au cinĂ©ma et des minima sociaux. (P.149)
Il paraĂźt qu’on dit ultra trail maintenant. Le principe est simple : tu cours pendant des heures et tu dĂ©penses l’équivalent de trois mois de salaire chez dĂ©cathlon par an au lieu d’alimenter le compte en banque d’un psy. C’est meilleur pour la santĂ©, mais les lacanien font la gueule. (186)
Le quotidien d’un adolescent est passionnant. Et dire qu’il est des anthropologues qui se plaignent de ne plus avoir de nouveaux territoires socioculturel Ă  explorer. On est au skate Park, mes amis ! Venez, observer et prenez en de la graine, bande de LĂ©vi-Strausssiens de pacotille ! (246)
P. 42 (La Vie en rose). Je commence Ă  penser que je pourrais faire une mĂšre Ă©patante et dĂ©tonante. En mĂȘme temps, je me demande si les cellules qui se multiplient dans mon ventre auront les moyens, une fois parvenues Ă  l’ñge adulte, de se payer huit ans de psychothĂ©rapie lacanienne pour se remettre de toutes les nĂ©vroses que je leur aurais transmises entre-temps.

Une famille atypique

La narratrice Rose, troisiĂšme de la fratrie de six enfants dont trois adoptĂ©s plante le dĂ©cor : une smala trĂšs originale dans une ambiance fantasque et dĂ©capante. Beaucoup de personnages s’emmĂȘlent, s’embrouillent et s’entraident mais leur nombre ne brouille pas la vision du lecteur.

Les parents Charles et AdĂ©laĂŻde, forment un couple harmonieux. En apparence, ils reprĂ©sentent une certaine sociĂ©tĂ© conventionnelle (dĂ©jĂ  leur prĂ©noms classiques donnent le ton). Ils exercent des professions dans la lignĂ©e de mĂ©tiers tout aussi traditionnels. Avec Charles premier clerc, et AdĂ©laĂŻde infirmiĂšre aux urgences, le couple n’inspirent pas des tempĂ©raments fantaisistes, ni anticonformistes. Et pourtant, leurs idĂ©es et leur mode de vie se rĂ©vĂšle ĂȘtre en total dĂ©calage avec cette  lisse apparence.

Pragmatiques et  douĂ©s d’une gĂ©nĂ©rositĂ© sans limite, l’adoption leur a permis de se rĂ©aliser comme parents d’une famille nombreuse, mais unie et du coup, ĂŽ combien disparate. 

Les activités et goûts de chacun font sourire, ils sont tous attachants.

Un polar cocasse et coloré

Dans « Salut Ă  toi ĂŽ mon frĂšre » : Une course entre la police et la famille s’enclenche pour retrouver le jeune Gus. La famille dĂ©ploie des moyens extrĂȘmes pour le dĂ©fendre et le chercher sans lĂ©siner sur les efforts  et crier son innocence. L’obstination acharnĂ©e d’AdĂ©laĂŻde est touchante de sincĂ©ritĂ© maternelle risible, tellement elle semble exagĂ©rĂ©e. Je vous laisse dĂ©couvrir la scĂšne cocasse dans le commissariat. Sa mainmise sur les mĂ©dias, avocats et comitĂ© de soutien vaut son pesant d’or. Le beau tableau colorĂ© du marasme judiciaire de Gus et de la famille amuseront sans conteste.

Dans « La vie en rose » : La narratrice Rose dans un bourbier personnel indescriptible avec une grossesse surprise a en charge malgrĂ© elle sa fratrie en l’absence de ses parents. Or, elle va entreprendre sa petite enquĂȘte sur le cambriolage du salon de coiffure oĂč elle travaille, la police Ă©tant occupĂ©e par un meurtre. Mais tout se complique pour Rose quand Camille, sa petite sƓur se retrouve mĂȘlĂ©e dans ce crime car l’adolescente est l’ex-petite-amie de la victime, premiĂšre d’un serial killer qui sĂ©vit dans son lycĂ©e. Quand  Camille va disparaĂźtre, Rose n’hĂ©site pas Ă  la rechercher


Une famille hors-norme

Une solidaritĂ© et une confiance indĂ©fectible animent tous les membres de cette famille. La plus objective, Rose la narratrice, les cerne bien sans cacher leurs dĂ©fauts et les rend de ce fait, encore plus humains. Dans « Salut Ă  toi ĂŽ mon frĂšre », son investissement dans l’enquĂȘte est court-circuitĂ©e pour des raisons de santĂ©, son apartĂ© Ă  l’hĂŽpital (excellent passage !) n’en est que plus distrayant.

L’originalité et l’excentricité de Rose nous amuse, son caractĂšre plus terre Ă  terre tempĂšre et crĂ©dibilise le cocasse. Son look atypique la distingue, et son activitĂ© littĂ©raire laisse songeur : dĂ©clamer des poĂšmes dans un salon de coiffure… L’audace, son courage, sa gĂ©nĂ©rositĂ© lui procurent une force pour assumer ses responsabilitĂ© fraternelles et rompre avec les codes familiaux : s’éprendre d’un policier !

N’oublions pas AdĂ©laĂŻde, la plus « allumĂ©e » qui ne lĂąche rien. Sa bĂȘte noire ? L’ordre et surtout la police.

La société

Tout ce dĂ©roule dans la DrĂŽme et plus prĂ©cisĂ©ment Ă  Tournon – d’oĂč classer l’idĂ©e de roman « rĂ©gional ». Les descriptions de lieux aident Ă  bien se reprĂ©senter certaines scĂšnes et l’ambiance
La vivacitĂ© des dialogues, le style fluide et lĂ©ger d’écriture tentĂ© d’humour garantissent une LECTURE DISTRAYANTE ET AGRÉABLE.

Sinon sous couvert de cette famille dĂ©jantĂ©e, l’auteur aborde beaucoup thĂšmes. Des problĂšmes sociĂ©taux (le racisme, la jeunesse, la santĂ©, la vieillesse) sont commentĂ©s Ă  coup de petites phrases mordantes, Ă  par petites touches de rĂ©fĂ©rences littĂ©raires et musicales. L’ironie percutante et adaptĂ© dĂ©nonce parfois des rĂ©alitĂ©s.

DE QUOI PASSER UN BON MOMENT !

L’auteur en parle lui-mĂȘme  👉đŸ“ș ici sur YouTube 

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Votre avis sur la chronique est le bienvenu.

Reader Comments

  1. Bonjour Anne-Christine,

    Chouette, la lecture de cette chronique m’a donnĂ© envie ! Un peu d’humour dĂ©calĂ© ne fait pas de mal par les temps qui courent ! J’ajoute cette lecture Ă  ma PAL ^^
    Bisous et merci pour ton blog de qualité..

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