Chroniques régulières sur des livres, présentations de nouveaux auteurs

💙💙💙💙 CHER BONHEUR, J’AI PRIS LA LIBERTE DE T’ECRIRE de Virginie Lloyd

RESUME 

auto-édité
juillet 2019
200 pages
Augustin, douze ans, atteint du syndrome Asperger, dit aussi « trouble du Spectre Autistique, trouble envahissant du développement » vit à Toulouse, avec sa maman Emilie.
Douze ans. 1m51. Les pieds plats, les lunettes de travers, une mèche rebelle et le cerveau en ébullition.
Des rituels adaptés aux contraintes de l’autisme de l’adolescent, scolarisé mais solitaire cadencent sa vie et celle de sa mère. Les commerçants du quartier, ainsi que les voisins de l’immeuble sont familiarisés avec les particularités d’Augustin, et les acceptent sans problème. Il faut dire qu’Augustin est agréable ; il ne dérange personne à passer son temps libre après l’école sa passion du rock dans sa chambre à vivre. Son péché mignon : les framboises que lui apporte Mireille, quand elle vient travailler pour l’entretien.
Conscient de sa différence d’avec les enfants de son âge, Augustin apprécie plus les adultes de son entourage qui composent ses principales relations sociales. De plus, le fruit de ses remarques fantasques saisissent, sidèrent, et touchent ses interlocuteurs les plus réceptifs.
Son environnement devient alors la source d’observations Ă  la fois stimulantes et favorise son Ă©quilibre. C’est pourquoi l’obstination de Victor L., le nouvel habitant de l’immeuble Ă  vouloir cacher son identitĂ© sur la boite aux lettres perturbe l’adolescent. Alors, si contrariĂ© par ce mystère qui lui « empoisonne » la vie, Augustin va convaincre le voisin Victor de flĂ©chir, et ce, Ă  coup de subterfuges propres Ă  son originalitĂ©. Ainsi, cet ancien prisonnier va se laisser apprivoiser par la rĂ©serve naturelle d’Augustin douĂ© aussi d’une sincĂ©ritĂ© sans filtre. L’amitiĂ© de ces deux solitaires, deux ĂŞtres en souffrance va bientĂ´t Ă©voluer vers une complicitĂ© respectueuse d’une certaine culpabilitĂ© passĂ©e et enfouie en eux.
Alors, le sentiment de responsabilité de Victor à l’égard d’Augustin l’accompagne sur le chemin d’une réhabilitation. Les efforts de sa reconversion grâce à son activité de jardinage, va même être remarquée et surtout récompensée par Marius à l’origine de cette passion pendant sa détention. Celui-ci n’oubliera pas l’ancien prisonnier qu’il affectionne au plus au point, fier de la détermination de Victor à rompre avec son ancien milieu.
Mais quand Victor revient dans son ancienne cité pour rendre service à Augustin, son passé va ressurgir…

MON AVIS

Tous mes remerciements pour ce SP à l’auteure et au site Simplement Pro. Cette belle rencontre avec Augustin éclaire d’un œil optimiste l’autisme Asperger : ni rose ni scintillant, ce roman que je cataloguerai de « conte » ouvre une porte vers le monde du « positif », un véritable livre « feel-good ».

La bonne humeur est communicative. Voici ici une preuve du bienfait de la dédramatisation de la différence. La vitalité qui anime Augustin se transmet d’abord à Victor puis aux autres  personnages, et enfin au lecteur qui refermera le livre avec regret.

UN SCENARIO PALPITANT

Du début jusqu’à la fin, le lecteur est retenu par la force de l’écriture agréable, percutante et des successions de mésaventures. Sous l’impulsion d’Augustin, la retenue de Victor et la tempérance d’Emilie, un cocktail de péripéties détonent pour produire un bel assortiment d’émotions. Des surprises s’imposent pour les non-initiés quant aux agissements d’Augustin, qui induisent des sourires, et ne laisseront pas indifférent.

Les TOCs d’Augustin envahissent son quotidien, mais l’intelligence de Victor en voie de rĂ©habilitation accepte sans retenue cette manière de penser très diffĂ©rente. La pensĂ©e diffĂ©rente mais non moins vive, bien au contraire, s’assortit d’une sensibilitĂ© extrĂŞme du cĂ´tĂ© d’Augustin, mĂŞme s’il est choquĂ© du passĂ© et des fautes de Victor. Il va les comprendre et tenter d’apaiser la peine et le chagrin de son ami. Chacun des deux trouve son comptant dans cette relation ; ils portent tous les deux la responsabilitĂ© de la perte d’un ĂŞtre cher. Ainsi, l’histoire prend forme et la vie suit son cours. Ils se donnent des surnoms sympathiques et se font confiance… bref, de vĂ©ritables amis.

Puis, le rĂ©cit s’accĂ©lère soudain, Ă  un moment oĂą on ne l’attend pas. Quand le passĂ© de « Chips » revient Ă  lui en pleine face, et que des personnes malintentionnĂ©es menacent son nouvel univers. L’intervention nature et spontanĂ©e d’Augustin dĂ©stabilise les protagonistes ; hĂ©ros malgrĂ© lui. Ensuite la rĂ©action d’Emilie prend des dimensions insoupçonnĂ©es, de quoi surprendre le lecteur.

Des particules de bonheur

Augustin est sensible aux métaphores, images et autres subterfuges imaginatifs. Ainsi, la dispersion de « particules de bonheur » lui assène une énergie providentielle pour affronter les épreuves de la vie. D’ailleurs, quelle énergie il va déployer à l’occasion de son « concours de Air Guitare ». J’ai apprécié son équilibre de vie drainé par sa maman, bien pensé, bien pesé, ici. Le récit demeure réaliste en tout point ; en effet, avec leur description, et même s’il en est esclave, ses rituels quotidiens le cadrent et le rassurent.

La reconversion de Victor, ancien prisonnier comme jardinier grâce à la bonté de Marius procure un regard optimiste de la société. Une reconversion possible et réussie. Mais là encore, le talent de l’auteur refait surface dans son réalisme – car cette réussite ne dépend pas que de lui et a un certain coût !

Emilie, maman pourtant érodée face aux intempéries de la vie – mère d’un enfant différent, un mari décédé brutalement, un métier asservissant d’infirmière – n’en est rien moins que frustrée du don de soi. Elle affiche une générosité et une patience tout au long du roman et sa force ne se relâche pas.

Une osmose de personnages.

Comme dans toute société, l’immeuble où habitent Augustin et Victor renferme des figures propres aux caractères façonnés selon les vécus de chacun. Mais ici, avec le facteur « communicatif » d’Augustin, va drainer des relations, et le cloisonnement des appartements se dissout peu à peu. Derrière les portes, on s’aperçoit que la vie recèle des failles que chacun adapte à son présent.

Ainsi, Madame Remoulotte montrée au début comme acariâtre et confinée dans ses bondieuseries va attendrir le lecteur d’un passé dévoilé comme lourd. Les personnages évoluent au fil des pages ; ils pansent comme ils peuvent leurs souffrances morales.

Tous affichent une bienveillance, mais une bonté naturelle qui naît d’un échange et non d’une candeur bêtasse.

Mon bĂ©mol : la longueur du titre ET je n’ai pas trop adhĂ©rĂ© au concept « air guitar » un peu obscur pour moi.

Vous pouvez vous procurer l’ouvrage chez Amazon.

Quelques citations pour un avant-goût :

A cet âge-lĂ , tu ne le sais pas encore, mais ta vie se construit sur un mur de regrets. Et c’est toi qui, la ruelle en main, deviens le maçon emmurant de ta propre vie.
En fait, dans la vie, tu reçois des informations. Y en a qui sont motrices, d’autres, sensitives et d’autres, sensorielles.
Asperger. C’est Asperger, mais tu peux aussi dire Trouble du Spectre Autistique, trouble envahissant du dĂ©veloppement, mongol, dĂ©bile, psychopathe. ça dĂ©pend des jours, ça dĂ©pend des gens. 
Nous sommes tous figurants de notre propre vie.
William Shakespeare disait donc « mon corps est un jardin, ma volonté est son jardinier ».