Résumé 
Georgette et René Magritte s’aiment comme au premier jour dans une vie paisible avec leur chien surnommé Loulou. Mais un soir, Carmen, leur femme de ménage déboule, à l’improviste, toute bouleversée. Elle est persuadée que le couple connaît Charles Bogaert, puisque ce monsieur détient une toile de Magritte. Or, en retrouvant cet autre patron inanimé, Carmen a aussi observé que le fameux tableau avait disparu. Comme ils habitent à proximité, Georgette et René s’empressent d’accompagner Carmen chez ce voisin pour la rassurer et comprendre pourquoi ce tableau se trouverait là , car René n’a jamais peint « le principe du plaisir » pour lui. Mais à l’arrivée sur les lieux, tout semble indiquer que l’homme est mort et la toile dérobée  ; alors le trio s’éclipse avant d’appeler, pour la femme de ménage, la police.
Or, bizarrement, l’enquêteur ne retrouve aucun corps dans l’appartement.
Intrigués par ces deux disparitions, corps et tableau, les Magritte partent pour Bruges rencontrer Édouard James, le commanditaire du portrait surréaliste. Et finalement, beaucoup d’interrogations et des cadavres vont poindre au fur et à mesure de leur périple.
MON AVISÂ
L’auteure, Nadine Monfils, m’a séduite avec ce roman cosy crime, extrait d’une série « Les enquêtes de Georgette et Renée » où le hasard a mis entre mes mains le tome 3 : les fantômes de Bruges.
Dans une ambiance légère, la série met en scène des héros sympathiques. Ils se retrouvent malgré eux dans le rôle d’enquêteurs pour un crime dont on est finalement peu soucieux du sort de la victime. Ici, c’est encore mieux, car elle a disparu !
L’harmonie agréable et la complémentarité du couple Magritte engagent le lecteur à suivre les protagonistes avec plaisir dans leurs pérégrinations et leurs rencontres.
René use d’une sincérité âpre et son caractère d’artiste lui permet de s’absoudre des bienséances de la politesse. Sa franchise caustique et son humour de pince-sans-rire amusent (c.f. avec Carmen). Il donne presque envie de devenir son ami malgré son honnêteté parfois trop nette pas toujours facile à encaisser.
Ă€ ses cĂ´tĂ©s, Georgette tempère le comportement plus spontanĂ© de son mari. Tous les deux forment un couple sympathique, dont la frĂ©quentation recherchĂ©e pour la crĂ©ativitĂ© de l’un et la bienveillance polie de l’autre. Â
L’apparence lisse de ces héros se calque finalement sur ceux d’Agatha Christie. Dans la lignée des Beresford présents dans son livre « Le Crime est notre affaire », ces enquêteurs amateurs font preuve d’une perspicacité de fins limiers. En effet, la diversion paisible de leurs attitudes et de leurs conversations dissimule une efficacité imparable dans leur déduction. Ici, l’action se situe en Belgique.
Du coup, ce roman choral offre un éventail de personnages divertissants et intéressants, comme les membres de la famille Rodenbach, tous loufoques à leur manière. Elle se compose du fils homosexuel affiché et cocu notoire, à la fille célibataire délaissée et obsédée à la folie pour le flirt d’un pseudoamour… jusqu’à la matriarche intraitable dont tous convoitent la fortune.
J’ai beaucoup apprécié une version de fresque policière pour aborder un peintre renommé que je connaissais peu même si ses toiles font finalement partie de notre univers visuel. Dans ce roman, il est question d’une toile très connue « le principe du plaisir » (c.f. l’image infra). Personnellement, je viens de découvrir son titre et de fait l’identité de son créateur. Ce récit m’a donné envie de rechercher d’autres éclaircissements que je partage avec vous.
Citation
Chez les bourgeois, les faux-semblants se portent en broche sur le revers de l’élégance parfumée aux mensonges.
Voici ce que j’ai trouvé sur archive.com
« Le principe du plaisir » Ă©crit en 1937, prĂ©sente plusieurs thèmes reconnaissables dans l’Ĺ“uvre de RenĂ© Magritte: le paradoxe visuel et intellectuel, le changement surnaturel du familier et la tension entre le visible et le cachĂ©.
Il s’agit d’un portrait d’Edward James, un aristocrate et hĂ©ritier de millions de personnes qui est devenu un poète excentrique et un patron influent des surrĂ©alistes. En 1937 Salvador Dali lui a prĂ©sentĂ© Magritte, et dans les deux ans, James a commandĂ© Ă l’artiste plusieurs peintures, y compris deux portraits – cette Ĺ“uvre et « Reproduction interdite ». Magritte avait introduit le concept du principe de plaisir avant mĂŞme de rencontrer James. En 1936, il fit un croquis Ă l’encre similaire sur la première page d’un livre manuscrit dĂ©diĂ© au poète surrĂ©aliste Paul Eluard. En juin 1937, l’artiste Ă©crit Ă James: «J’ai fait un tableau reprĂ©sentant une personne dont la tĂŞte est lĂ©gère … Je suppose que c’est une esquisse prĂ©liminaire, en rĂ©alitĂ© le tableau doit encore ĂŞtre peint. Mais comme il est destinĂ© Ă vous, ne pensez-vous pas qu’il devrait avoir une personnalitĂ© reconnaissable? Si vous aimez l’idĂ©e, tout ce que vous avez Ă faire est de prendre une photo de face Ă la table avec les bras croisĂ©s posĂ©s dessus et de poser une pierre Ă droite, pas trop loin de votre main…. James a chargĂ© un autre surrĂ©aliste de prendre une telle photo – Manu Ray... Lorsque Magritte a terminĂ© le tableau en septembre et l’a envoyĂ© au client, il a Ă©crit en rĂ©ponse: « Mon ami et moi pensons que c’est un Ă©norme succès, en fait un travail brillant. ». Le principe du plaisir incarne l’intĂ©rĂŞt de Magritte pour ce qui est cachĂ© dans notre rĂ©alitĂ© visuelle. Tout au long de sa carrière, l’artiste a utilisĂ© une imagerie surrĂ©aliste qui s’oppose Ă notre passion pour les visages cachĂ©s, en particulier. La pomme couvre le visage de l’homme dans le tableau emblĂ©matique « Le fils de l’homme »et les couvre-lits blancs sont des hĂ©ros « Les amoureux »… Dans l’une de ses rares interviews (et Magritte ne pouvait pas supporter la publicitĂ© et les discussions sur son travail), l’artiste a dĂ©clarĂ©: «Tout ce qui est visible cache quelque chose; nous voulons toujours voir ce qui se cache derrière ce que nous voyons. Cet intĂ©rĂŞt peut prendre la forme d’un sentiment assez contradictoire, une sorte de conflit entre le visible-cachĂ© et le visible-Ă©vident « … Dans The Pleasure Principle, il construit cette collision sur un paradoxe: nous avons besoin de lumière pour voir, pas d’obscurcir le visage d’une personne dans une pièce sombre – tout comme nous nous attendons Ă ce que le miroir rĂ©flĂ©chisse, pas cache le visage sur la toile. »… Le titre du tableau fait rĂ©fĂ©rence Ă un Ă©lĂ©ment clĂ© de la psychanalyse freudienne, qui a servi de fondement philosophique au mouvement surrĂ©aliste. Cependant, Magritte lui-mĂŞme a mis en garde contre l’interprĂ©tation et l’analyse de ses noms: «Les noms des peintures ne sont pas des explications, et les peintures ne sont pas des illustrations des noms. Le lien entre le nom et l’image est poĂ©tique, c’est-Ă -dire qu’il ne reflète que certaines caractĂ©ristiques du sujet que nous ne rĂ©alisons gĂ©nĂ©ralement pas, mais que nous comprenons parfois intuitivement lorsque des Ă©vĂ©nements inhabituels se produisent qui ne peuvent pas ĂŞtre expliquĂ©s logiquement « . Edward James, poète et collectionneur passionnĂ©, a jouĂ© un rĂ´le particulier dans le dĂ©veloppement du surrĂ©alisme, en soutenant des artistes tels que Salvador Dali, RenĂ© Magritte, Pavel Chelischev, Leonor Fini et Leonora Carrington… Il a fourni un espace de crĂ©ativitĂ© Ă ses collègues peintres, en particulier, les trois premiers ont vĂ©cu et travaillĂ© pendant longtemps dans ses maisons du Sussex et de Londres. James a passĂ© de nombreuses commandes, crĂ©ant l’une des plus belles collections d’art surrĂ©aliste au monde (en savoir plus sur lui dans l’article Arthive « Le jardin magique d’Edward James – Saint patron des surrĂ©alistes »). Le principe du plaisir est restĂ© dans la collection d’Edward James jusqu’en 1964, date Ă laquelle il a Ă©tĂ© transfĂ©rĂ© Ă la Fondation qu’il a fondĂ©e. En 1979, la toile a Ă©tĂ© achetĂ©e par un autre collectionneur privĂ© – et elle est restĂ©e entre les mĂŞmes mains pendant près de quarante ans. En novembre 2018, le tableau a Ă©tĂ© mis aux enchères chez Christie’s avec une estimation prĂ©liminaire de 15 Ă 20 millions de dollars. Le prix final (prime comprise) Ă©tait de 26,8 millions, ce qui Ă©tait un record d’enchères pour les crĂ©ations de RenĂ© Magritte. Auteur: Vlad Maslov
