Chroniques régulières sur des livres, présentations de nouveaux auteurs

đź’śđź’śđź’ś MALAMORTE d’Antoine Albertini

RESUME

J.C. Lattès
05/05/19
260 pages
La police se rend dans la rĂ©sidence Les Albatros, une tragĂ©die familiale oĂą s’est produite au domicile des Cherkaoui. Après un constat d’une exĂ©cution de la petite Lia cinq ans et de sa maman, le père est retrouvĂ© gisant entre la vie et la mort. Ce chef d’entreprise va ĂŞtre soupçonnĂ© de les avoir tuĂ©s avant tenter de se suicider.
« Personne ne sait vraiment ce qui se passe dans la tête d’un type de sa gamine et sa femme à bout portant à coups de chevrotines. »
Un mobile éventuel ? La réussite pécuniaire de Cherkaoui, due à son travail et un bon sens des affaires lui assurait un train de vie palpable, mais depuis quelques temps les difficultés financières pointaient.
Cette affaire à première vue simple, restera donc dans la compétence du service des « Homicides simples » où végète professionnellement notre policier. Quelques années auparavant, le crime commis sur le préfet Jean-Charles Marnier l’avait remisé à ce poste-placard.
Notre narrateur veut comprendre ce drame familial, et s’investir dans l’enquĂŞte a contrario des conseils prodiguĂ©s par des
« vieux de la vieille qui m’avaient mis en garde : en faire le minimum avec les voyous constituait la garantie d’une carrière sans accroc. »
Fouiller pour trouver la vérité le met sur son chemin Sonia Mattei, une proche des Cherkaoui son ex-conjointe disparue depuis quatre ans sept mois et neuf jours.
Mais survient un crime d’une autre nature dans la campagne Bastiaise : Paola Mosconi, une vieille fille sans histoire est retrouvée morte et violée dans la montagne.
« A l’exception d’un frère plus âgé installé à Nice, qu’elle n’avait pas vu depuis des années, Paola Mosconi ne comptait pas de famille ou d’amis, rien qui puisse s’approcher de vagues relations humaines. Dans cette ville où les arbres généalogiques étendent leur branche sur des générations, cette solitude la désignait comme une curiosité locale ».
Des touristes présents font un témoignage très vague.
Le procureur tout juste nommĂ© Ă  Bastia  en Ă©moi avec ce crime qui pourrait nuire Ă  son plan de carrière ne prend pas l’affaire Ă  la lĂ©gère.
Et rien ne s’arrange quand lors d’une course de motocross, Marie-Catherine Turchi, une mère de famille respectĂ©e et respectable, est assassinĂ©e. RetrouvĂ©e dans les fourrĂ©s aux abords du parcours. Pourtant, selon la procĂ©dure habituelle, la surveillance de la gendarmerie Ă©tait requise. La popularitĂ© de Mme Turchi suscite les Ă©lans mĂ©diatiques sur sa mort. Alors est Ă©branlĂ©e l’inquiĂ©tude du prĂ©fet qui convoque police et gendarmerie sur l’affaire litigieuse pour l’attribution des compĂ©tences. Finalement « La PJ reste saisie, un point c’est tout ».
« L’assassinat de Marie-Catherine Turchi avait suffi a éclipsé la mort de Paola Mosconi. La première était une mère de famille autour cheveux auburn, au sourire de reine de beauté.[…] La seconde était une des filles solitaires introverties que personne ne semblait décider à pleurer. »
Le narrateur va devoir faire le lien entre ces deux assassinats, comprendre le geste fatal de Cherkaoui, et gĂ©rer sa propre vie personnelle. Pas de rĂ©pit pour lui jusqu’Ă  la vĂ©rité…

RESUME DE L’EDITEUR

C’est sur mon bureau qu’échouent les dossiers dont personne ne veut, les cadavres qui ne feraient pas lever un sourcil à un gratte-papier des chiens écrasés, les victimes anonymes des crimes d’après boire, les vies gâchées pour rien, les destins lacérés des assassins et de leurs victimes confondus dans la même misère, dans la came, dans le vice, dans les jalousies morbides carbonisant des générations entières au fond d’un taudis en bordure de la Nationale. »
Ce bureau, c’est un cagibi, un placard dans une aile à moitié désaffectée du commissariat de Bastia, où ce policier corse a échoué, après la critique de trop contre ses supérieurs, la bagarre de trop avec ses collègues. Pourtant sa carrière dans la police avait bien démarré : 7 ans dans la banlieue parisienne à la brigade des stups puis une mutation à la police judiciaire de Bastia la ville où il a grandi. Mais très vite, il a été déçu, écœuré par les ordres des chefs, les affaires oubliées volontairement, les arrestations arbitraires, la corruption, les magouilles quotidiennes. Il travaille seul à présent, sur des affaires mineures en apparence. Comme celles du meurtre d’Hakima, 5 ans et de sa mère Khadija. Ce policier va chercher partout le coupable, comme il cherche partout la vérité.
Une enquête, le temps d’un été pluvieux. Le portrait d’une île loin des clichés et des visions de carte postale où se croisent élus, voyous, braqueurs et assassins, travailleurs immigrés, continentaux en mal d’une existence qu’ils espèrent plus douce. Le policier sillonne la ville : des bars pourris aux lotissements à des kilomètres de la mer, des bidonvilles installés près des autoroutes aux villas des beaux quartiers. Il ne cessera jamais de chercher.

MON AVIS

Je remercie site Netgalley, et aux Ă©ditions J.C. Lattès pour ce S.P. et cette plongĂ©e dans une Corse hors des sentiers battus. J’aime l’effet de surprise final procurĂ© par un dĂ©nouement inattendu. La fin nous captive sur l’issue choisie par tous les protagonistes. J’ai idĂ©e que ce livre plaira plus aux hommes qu’aux femmes. Sans vouloir faire montre de sexisme, les dĂ©signations prĂ©cises des armes utilisĂ©es, le vocabulaire employĂ© dans les dialogues vont dans ce sens mais tout le monde apprĂ©ciera nĂ©anmoins l’ouvrage.

L’écriture agrĂ©able nous emporte dans une affaire qui se complexifie rapidement. Des autopsies, des fouilles, des interrogatoires, des menaces et fusillades agrĂ©mentent ce polar, oĂą chaque personnage, en nombre consĂ©quent, tient un rĂ´le dans l’avancĂ©e de l’intrigue.

Une Corse bien corsĂ©e – un roman rĂ©gional

Une singularitĂ© ici choisie par l’auteur de ne jamais nommer expressĂ©ment son principal personnage. OmniprĂ©sent, on ne peut le dĂ©signer nommĂ©ment… un coutume corse… ?🙂

On se balade dans un cadre ardu. Oubliez les clichĂ©s des guides touristiques. En la circonstance, le cadre insulaire envahi d’estivants s’éclipse pour un climat rude, et une nature sauvage voire inhospitalière. Ici, l’hiver imprègne le scĂ©nario oĂą notre capitaine de police doit composer avec la pluie, le vent et les orages pour trouver des indices, recueillir des tĂ©moignages et tromper son ennui. On visite la cĂ´te bastiaise des quartiers huppĂ©s Ă  celle des bouis-bouis en passant par des vieilles bâtisses traditionnelles aujourd’hui dĂ©crĂ©pites.

Ces Ă©lĂ©ments fournissent une ambiance Ă  la Nestor Burma oĂą notre narrateur, que l’on suit du dĂ©but Ă  la fin gère une noirceur quotidienne imprĂ©gnĂ©e d’alcool, pessimisme, et cĂ©libat. Sa rĂ©signation raisonnable n’exclut pas quelque humour acerbe.

L’enquĂŞte initiale part d’un supposĂ© drame familial. Or, parallèlement les cadavres se succèdent sans vĂ©ritable lien entre eux. En effet, la règle de l’omerta règne en force. Avec cette image de la dictature de la place publique, une rĂ©alitĂ© pessimisme dĂ©peint une sombre justice. Ainsi, des victimes insignifiantes tempèrent la vellĂ©itĂ© des enquĂŞteurs, tandis que la prĂ©sence des mĂ©dias leur impose une pression manifeste sur d’autres affaires.

UNE ENQUETE INSULAIRE

Par chance, notre hĂ©ros dĂ©tient les atouts d’un fin limier dans ce milieu. Les rĂ©seaux sur l’Ă®le bien Ă©tablis de notre narrateur vont lui prĂŞter main forte, parfois Ă  leur dĂ©triment. D’autre part on perçoit la nĂ©cessitĂ© d’une intronisation locale pour obtenir des informations. De plus, sa connaissance d’anciennes affaires lui procurent des connexions, insoupçonnĂ©es Ă  nous lecteurs novice, avec des notoriĂ©tĂ©s familières de la police.

Cette affaire sulfureuse, Ă´ combien intĂ©ressante comparĂ©e de son travail ordinaire stimule le capitaine pour tenter de prendre un nouvel Ă©lan. L’enquĂŞte lui a mĂŞme permis de renouer avec son passĂ©. Ainsi, son ancienne maitresse, naguère disparue ressurgit sans prĂ©venir, et il met Ă  l’Ă©preuve, non sans scrupules, des relations de longues dates.

Le scĂ©nario Ă©claire le lecteur sur les dĂ©rives de rouages de la hiĂ©rarchie dans la police, et les rivalitĂ©s entre l’armĂ©e et la police. D’anciennes affaires relatĂ©es dĂ©montrent comment leurs sorts peuvent Ă©chapper Ă  la hiĂ©rarchie ou au contraire, comment l’insularitĂ©,  particularise, de fait, leur gestion.

Sorti en poche, en mars 2020 trouvez-le chez votre libraire, chez DECITRE ou Ă  la FNAC.
Votre avis sur la chronique ou le livre est le bienvenu…

Citation(s) pour en avoir avant-goût

L’expérience m’a enseigné que, passé un certain nombre de bières, n’importe qui peut devenir un ami.