QuatriĂšme de couvertureÂ

25/08/21
200p.

Câest lâhistoire dâun enfant aux yeux noirs qui flottent et sâĂ©chappent dans le vague, un enfant toujours allongĂ©, aux joues douces et rebondies, aux jambes translucides et veinĂ©es de bleu, au filet de voix haut, aux pieds recourbĂ©s et au palais creux, un bĂ©bĂ© Ă©ternel, un enfant inadaptĂ© qui trace une frontiĂšre invisible entre sa famille et les autres. Câest lâhistoire de sa place dans la maison cĂ©venole oĂč il naĂźt, au milieu de la nature puissante et des montagnes protectrices ; de sa place dans la fratrie et dans les enfances bouleversĂ©es. Celle de lâaĂźnĂ© qui fusionne avec lâenfant, qui, joue contre joue, attentionnĂ© et presque siamois, sây attache, sây abandonne et sây perd. Celle de la cadette, en qui sâimplante le dĂ©goĂ»t et la colĂšre, le rejet de lâenfant qui aspire la joie de ses parents et lâĂ©nergie de lâaĂźnĂ©. Celle du petit dernier qui vit dans lâombre des fantĂŽmes familiaux tout en portant la renaissance dâun prĂ©sent hors de la mĂ©moire.
Prix Goncourt des lycéens 2021, Prix Femina 2021, Prix Landerneau 2021
MON AVIS
Cet ouvrage suggĂ©rĂ© par ma sĆur Nathalie rĂ©pond totalement Ă la thĂ©matique de la rubrique « handicap » du blog.
Voici la prĂ©sentation inscrite en quatriĂšme de couverture : Comme dans un conte, les pierres de la cour tĂ©moignent. Comme dans les contes, la force vient des enfants, de lâamour fou de lâaĂźnĂ© qui protĂšge, de la cadette rĂ©voltĂ©e qui rejettera le chagrin pour sauver la famille Ă la dĂ©rive. Du dernier qui saura rĂ©concilier les histoires.
Pierres qui narrent
La chute des grands hommes rend les mĂ©diocres et les petits importants. Quand le soleil dĂ©cline Ă l’horizon, le moindre caillou fait une grande ombre et se croit quelque chose. (Victor Hugo)
La narration est celle des pierres qui dĂ©crivent leur vision dâune situation particuliĂšre. L’idĂ©e dâun rĂ©cit factuel (et minĂ©ral) illustre la survenance du handicap au sein dâun foyer et les bouleversements engendrĂ©s pour chacun des membres. Ce rĂ©cit peut ĂȘtre dĂ©calquĂ© Ă dâautres entitĂ©s familiales car les hĂ©ros du roman ne sont personnifiĂ©s par aucun prĂ©nom. LâĂȘtre inadaptĂ©, perturbateur, est appelĂ© « lâenfant », tandis quâon parle de son grand frĂšre comme « lâaĂźnĂ© » et sa grande sĆur « la cadette ». Le dernier-nĂ© de la fratrie, surnommĂ© « le dernier » nâa pas connu ce frĂšre « Ă part », mais se donne implicitement le devoir de rĂ©parer les blessures tues.
L’entourage est aussi Ă©voquĂ©. L’isolement de la famille, malgrĂ© elle, malgrĂ© les autres, s’instaure insidieusement. Jâai aussi apprĂ©ciĂ© la place de la grand-mĂšre simple observatrice impuissante mais qui se rĂ©vĂšle un exutoire ou une soupape libĂ©ratoire et providentielle. Malheureusement, sa limite sera celle de ses annĂ©es Ă vivre.
Le handicap illustrĂ© ici, est d’une particuliĂšre lourdeur (l’enfant d’une grande dĂ©pendance ne communique que par son regard…). Mais la problĂ©matique, selon mon expĂ©rience, est transposable Ă d’autres types de handicap.
Triste comme les pierres, une famille bouleversée
Henri Carbonneau. Ecrivain et traducteur québécois (1889-1962).
L’ouvrage, traite de beaucoup de sujets mais avec finesse et sans jugement. Et lâauteure, je trouve, a su traduire tout en douceur les maux avec ses mots ainsi que la violence insidieuse dâune rĂ©alitĂ© brutale et inconnue. Chacun la gĂšre Ă sa maniĂšre. En effet, les mĂȘmes Ă©vĂ©nements, la mĂȘme difficultĂ© ne sont pas perçus pareil. Alors, les membres de la famille sâadaptent comme ils peuvent, Ă la rĂ©alitĂ©, Ă leur rĂ©alitĂ©.
LâarrivĂ©e dâun enfant diffĂ©rent dans une fratrie se comprend diffĂ©remment, par rapport Ă sa sensibilitĂ©. Sans approfondir le ressenti intrinsĂšque des individus, on retrouve une empathie et un engagement exacerbĂ© de lâaĂźnĂ© qui tranche avec lâĂ©vitement de la cadette. Quant aux parents, la mĂšre assume les contraintes quotidiennes de front, et lâeffacement du pĂšre se ressent par la parcimonie des phrases qui l’Ă©voque.
Et selon la place des frĂšres et sĆur mais aussi leur sensibilitĂ©, cela procurera des rĂ©actions diffĂ©rentes face aux situations. Et ensemble, ils se relĂšveront avec leur propre dĂ©fense.
Ce livre interpelle. Il ne laisse pas indiffĂ©rent, comme la survenue dâune impondĂ©rable naissance. Avec la douceur dâun galet, le roman dĂ©montre lâĂąpretĂ© de la fatalitĂ© de la vie et de la gĂ©nĂ©tique.
Pour aller plus loin…Â
Et pour les personnes intĂ©ressĂ©e par le sujet du handicap vĂ©cue par les fratries, je les invite Ă dĂ©couvrir l’ouvrage plus « scientifique » : đ§đđLa fratrie Ă l’Ă©preuve du handicap (C. Bert)Â
déjà chroniqué sur ce blog
et de cet ouvrage đ§đđLe choix nous appartient (I. Poirot) qui traite du choix parfois offert aux familles d’Ă©viter Ă tous des souffrances.