RESUME

Londres 2017.
Kate représente le stéréotype de l’avocate qui la quarantaine passée, réussit professionnellement mais stagne dans le célibat. Dans son cabinet à Londres, elle s’est spécialisée dans le domaine de la délinquance sexuelle où la stratégie de ses plaideries tend à dégager la vérité de ses clients ou ses clientes pour « obtenir la condamnation de tous les agresseurs, violeurs, ou les assassins ». Et au cours de sa carrière malgré des succès et des embûches, elle essaie de maîtriser sa compassion pour les victimes défendues afin d’afficher une « neutralité de façade ».
Dans la banlieue chic. La famille Whitehouse formée par Sophie, James et leurs deux enfants Finn et Emily va être ébranlée par les conséquences de l’incartade de James avec Olivia Lytton. En effet, les tabloïdes ont révélés l’adultère de ce politique haut-placé, sous-secrétaire d’Etat rattaché au Ministre de l’Intérieur avec une jeune assistante parlementaire. Chris Clarke, le conseiller personnel du Ministre gère la crise engendrée par l’information et prodigue au couple la ligne de conduite à suivre pour le bien de la carrière de James. Il suggère à Sophie, de se montrer neutre et soudée à son mari. D’ailleurs la liaison est finie par une rupture à l’initiative de James.
Le Premier Ministre reste à l’écart de l’affaire le temps que le buzz médiatique retombe même si leur profonde et longue amitié date de leurs études à Eton. Peu à peu, la presse se calme mais soudain, Olivia porte plainte contre James : le bellâtre l’aurait violée dans un ascenseur. L’avocate de la plaignante Kate, la représentera. Soucieuse de mettre en lumière la vérité de sa cliente, elle veut obtenir la condamnation de cet homme de pouvoir, ce violeur.
Les jurés du procès examineront les affirmations contradictoires d’Olivia et James. De son côté, Sophie affronte les révélations de l’intimité d’une relation amoureuse de plusieurs mois. Y sont détaillées, sur la place publique, la nature de leur fréquentation et les circonstances du viol. En effet, après la rupture, quand ils ont emprunté l’ascenseur le lieu du viol, Olivia éprouvait encore de l’attirance pour lui. Alors pourquoi aurait-elle résister ensuite ? James n’a-il pas entendu les « non » d’Olivia ?
Dopée par son idéal justicier, Kate se sent investie de la mission de dévoiler la vérité aux yeux des jurés. Elle SAIT James capable d’un tel délit. Comment en est-elle persuadée ? Comment Sophie va-t-elle s’accommoder de ce déballage intime entre son mari et sa maitresse ? Kate va-t-elle parvenir gagner à le procès ? James sera-t-il condamné alors qu’Olivia était consentante au début ?
MON AVIS
J’adresse tous mes remerciements au site Netgalley et aux éditions Préludes de leur confiance accordée pour la rédaction de la chronique.
UN EXCELLENT ROMAN
Le roman débute avec l’introspection de Kate. Cette avocate néanmoins compétence rappelle l’héroïne de la série des années 90’s Ally Mac Beal. Avenante mais coincée dans un célibat elle reste concentrée sur les détails épineux des affaires qu’elle accepte. Kate, comme Ally Mc Beal traitent leurs dossiers, souvent en lien avec leurs convictions et expériences personnelles.
Les 360 pages du roman intercalent des chapitres narratifs d’un point de vue omniscient où sont décrits les attitudes et ressentis des protagonistes principaux : Sophie, James, Kate et son amie Ali. Ces personnages liés par la même affaire adoptent chacun un code de conduite. Paradoxalement, le profil de la victime Olivia n’est pas passé au crible.
Le roman traite d’un sujet dont l’actualité nous en rapporte souvent la texture. Le viol commis par un homme politique ou d’influence prend une dimension publique pour la victime. Pourtant, ¨même si le crime toujours aussi punissable, la victime subira encore la violence supplémentaire du procès. La sagacité de Sarah Vaughan met en lumière de manière intelligente les brèches dans ce genre d’affaires où l’intime conviction est la clé de voute de la condamnation ou pas. La force de persuasion des protagonistes auprès des jurés engendrera le résultat du jugement.
UN VIOL
L’affaire portée devant le tribunal, on visualise une partie du système judiciaire britannique : les règles protocolaires dans le déroulé du procès et l’exigence vestimentaire des avocats ( cf. P.6-7), ceux que l’on nomme les Conseillers de la Reine, qui représentent je suppose en France, le parquet.
Le cas du jugement de James pour viol édifie les enchevêtrements d’impressions ressentis par les jurés, maîtres de la décision de la condamnation. Car oui, le pouvoir de séduction de James, suffit pour attirer les femmes sans avoir besoin de violer, d’autant qu’Olivia en était amoureuse de lui. La compassion et l’expérience de Kate nous éclairent. La frontière entre le rapport consenti et le viol est subtile car elle se situe sur un refus appuyé, et la preuve repose sur la seule parole des protagonistes…
La position et son sentiment de solitude morale éprouvée par Sophie, la femme trompée nous glace. Mariée depuis 12 ans, avec James « coureur de jupon mais son mariage marquerait, il l’avait décidé, le début de sa fidélité. » Or, il avait failli, elle pouvait s’en accommoder pour sauver les apparences comme l’a fait sa mère. Le procès pour viol dépassait l’imaginable pour elle. Et pour elle aussi, la vérité est son guide. Comment va-t-elle concilier sa vie avec ce qu’elle sait ?
L’affaire de 2017 se calque sur une autre de 1995
James étudiait à Eton et Sophie à Oxford. Riches, et beaux, ils avaient réussi leur intégration dans ces écoles voisines, sélectes et prestigieuses. Sophie visait juste devenir une femme honorable, à:
« repartir d’ici avec un diplôme, une médaille d’aviron et un chic type, un futur mari si j’ai un peu de chance. »
Quant à James, champion d’aviron, populaires et bringueur fini il cadrait parfaitement à la Charte du Club des Libertins. Ami inconditionnel de Tom (aujourd’hui Premier Ministre), il cumulait les écarts de conduite à l’époque, confiant d’appartenir à l’élite,
« des hommes qui traverseront la vie sans rencontrer d’obstacles. Oxford. Le Parlement. Le gouvernement ».
A côté d’eux, l’humble Holly marquait de son mauvais accent ses modestes origines provinciales. Son manque d’assurance la rendait insignifiante, alors elle brillait discrètement de sa seule studiosité. Et un jour, pourtant, James le champion d’aviron, va la remarquer au sortir d’une beuverie. Emoustillée d’être abordée par ce tombeur, Holly apprécie l’audace du jeune homme entreprenant garde la tête froide. Quand elle sent dérailler la rencontre, elle se rétracte mais trop tard, il voudra aller plus loin, et avoir un rapport sexuel ignorant le choix d’Holly.
Nombreux thèmes abordés
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Une vision des grandes écoles
Comme Eton et Oxford. Y évolue une société avec ses codes, ses strates dont les Clubs, et ses limites. Là, encore en 1995, la place réservée aux femmes pour les études n’est pas la panacée.
Les descriptions invitent le lecteur à fouler les pavés et ces bâtiments de pierres. On se glisserait volontiers, comme Holly, dans ces lieux imprégnés d’Histoire dans la bibliothèque majestueuse d’Oxford qui en compte dix et dans la tour gothique de la Radcliffe.
Les soirées de débauches déroulent un gaspillage écœurant d’argent et alcool par les jeunes hommes, promis à de grandes carrières.
La réunion des anciens touchera quiconque se remémore le cheminement parcouru de ses anciens amis de lycée, collèges ou fac. Une belle illustration ici. Chacun a composé avec ou malgré l’œuvre du temps 😊
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Les hauts-lieux de l’Angleterre
On a l’occasion de déambuler avec James dans l’intimités des couloirs du Parlement, de Westminter. Magnifique visite guidée.
LES PLUS
- Citation :
Les tribunaux, comme les hôpitaux, aimantent ceux qui ont reçu les mauvaises cartes dès le début de leur vie, qui ont choisi les mauvaises personnes, qui se sont tellement embourbés dans le malheur qu’ils ont perdu tout sens moral.
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La législation sur le viol dans le monde (article du Figaro)
Il a l’air intéressant ce roman. Bon, je ne vais pas l’ajouter tout de suite à mon énorme PAL, elle risquerait de ne pas le supporter, mais je vais le garder dans un coin de ma tête. Merci pour cette belle chronique
Oui, roman très intéressant… Comme je le disais, très dense… mais très abordable et captivant. Merci de la visite et des remarques Aydan. BONNE(s) LECTURE(s) !
Ton avis me conforte beaucoup car je l’avais repéré. et je compte bien le lire, comme tous les livres de cette auteure.
Tu ne seras pas déçue j’espère Mimi, bonne lecture et merci de ton message !