Chroniques régulières sur des livres, présentations de nouveaux auteurs

💜💜💜LE JOURNAL DE CLAIRE CASSIDY d’Elly Griffiths

RÉSUMÉ

Num 350 Pages
Edition Hugo Roman
02/01/2020
G.B.
Claire Cassidy vit avec Georgia, une ado scolarisée à Talgath High le même lycée où elle enseigne la littérature anglaise. Elle y anime aussi des ateliers d’écriture pour adultes.
Passionnée par R.M. Holland, Claire projette d’écrire une biographie de cet auteur de nouvelles énigmatiques. L’homme l’intrigue d’autant qu’il vivait dans l’actuel lycée de Talgath High, où une légende se répand qu’il y aurait tué son épouse Alice Avery, « la femme en blanc ».
Mais la routine de Claire va être bouleversée : Ella, sa collègue et amie vient d’être sauvagement assassinée. Le décès de l’avenante et très populaire professeur surprend et déstabilise tout le monde, les élèves autant que ses collègues. Mais Claire, a non seulement perdu son amie, mais elle va assumer les responsabilités professionnelles d’Ella. En confiant son désarroi à son journal intime, Claire lit « tu ne me connais pas », d’une écriture inconnue à la suite de ses propres écrits. Alors, elle ne s’inquiète pas outre mesure, car plus préoccupée par l’enquête ouverte menée par l’inspecteur Kaur et du lieutenant Neil. Elle veut leur taire la liaison qui la contrariait tant, entre Ella et Rick, le directeur du département d’anglais du lycée, un homme marié un peu volage.
Alors en voulant retranscrire ces pensées dans son journal intime, elle y découvre une nouvelle inscription énigmatique encore ajoutée par le même inconnu. Là, l’auteur  évoque un stage à Hithes. Six professeurs y ont participé quelques mois auparavant, et ce qui s’y serait passé explique la mort d’Ella. Abasourdie face à cette révélation, Claire s’empresse de se confier à la police qui étudie derechef ses journaux intimes.
Puis quelques jours suivants, le cauchemar de Claire continue avec la découverte du cadavre de Rick assassiné, dans une pièce du lycée où elle seule a l’habitude de se rendre. Mais sa torpeur sera à son comble quand elle lit y de nouvelles inscriptions anonymes dans son journal. Par conséquent, consciente d’un danger imminent, la police décide de la protéger Claire.
Georgia, de son côté, s’inquiète de la multiplication de ces crimes à l’instar de ses camarades. Mais sa vie scolaire, amicales et ses visites chez son père ne sont pas entachées. Comme beaucoup d’ados, un peu rebelle et secrète, elle cache à sa mère son petit jardin secret à savoir qu’elle tient un journal intime sur Internet, et qu’elle appartient au cercle littéraire animé par Mme Hugues, une mystérieuse professeure de terminale.

MON AVIS

Service de presse : Je remercie les éditions Hugo Roman et le site Netgalley pour la découverte trépidante de cette belle intrigue et son époustouflant dénouement insoupçonné et insoupçonnable ! J’ai été bluffée avec presque l’envie de recommencer la lecture pour comprendre comment j’ai pu rater la clé du mystère.

Outre un scénario à la fois lent et tendu, ce livre fait l’apologie de l’influence possible de la littérature. L’écriture et la lecture favorisent les liens sociaux – sains –. Ici, on constate aussi le pouvoir exutoire de l’écriture quotidienne pour qui pratique l’art de disserter.

« Rien en ce monde ne peut rester caché à jamais. » Wilkie Collins. Sans Nom.

Confidences sur papier

Une alternance des narrations de trois femmes au profil bien différent nuance l’éclairage des évènements. Leurs commentaires, assimilés à confidences de journaux intimes confèrent différents prismes sur le vécu et dire des unes et des autres. Dommage : la reprise de la même scène réécrite avec les mots d’une nouvelle personne est parfois inutile…

Mon regret : les personnages sont un peu trop caricaturés, soumis à des préjugés clichés des uns sur les autres. Heureusement, avec gradation, la relation entre les trois femmes évolue, mais parfois de manière un peu abrupte. Exemple : La réticente d’Harbinder à l’égard de Claire va jusqu’à presque devenir « sa nouvelle meilleure amie ». 😊

Claire : Depuis peu divorcée d’un avocat, elle assume comme elle peut son indépendance de femme séduisante et son statut de mère célibataire.

L’inspectrice Harbinder est le parangon des « minorités » emmêlée dans des situations personnelles compliquées. Elle assume elle aussi ses différences comme elle peut : femme de couleur, fille d’immigrés indiens, homosexuelle, elle vit encore chez ses parents.

La plus énigmatique est Georgia, l’ado rebelle typique affublée d’un petit-ami plus âgé, et une famille reconstituée du côté de son père. Beaucoup de questions ébranlent l’idée de candeur adolescente de Georgia, notamment sa fréquentation avec un garçon déjà adulte. Pas très franche avec sa mère, la jeune fille cache certaines de ses amitiés. Elle marque aussi sa rébellion en dissimulant à sa mère son goût pour la littérature. Son cercle d’écriture auquel elle appartient ajoute un suspens compréhensible, pimenté par la curieuse Mme Hugues.

Cadavres mis en scène

Belle idée, l’ambiance glauque, « halloweenesque » : La légende colportée sur un auteur, sa vie, ses fantômes, et ses ombres, s’ajoute à un tableau intrigant du personnage dans un cadre intemporel – le lycée —.

En italique, entre deux chapitres, des bribes de la nouvelle « L’Inconnu » de l’auteur M.H Holland,  se répètent. Des passages à noirs et durs sont repris plusieurs fois. On ne s’imprègne que mieux du contenu qui nous place dans un contexte entre Harry Potter et un bizutage macabre de collégiens à la S. King.

On est conditionné : Dans l’Angleterre estudiantine classique, une brume de légendes, de fantômes, de passé resurgi par des récits surannés se répand dans des lieux vétustes. Là, ces évocations suggèrent une impression de mystère qui plane. Ce leitmotiv y participe à cette mise en scène :

« L’enfer est vide et tous les démons sont ici. »

L’idée d’un auteur fictif comme R.M. Holland surprend, car on adhère à son histoire. Mais je regrette les répétitions des mêmes passages de sa nouvelle. Ces répétitons exagérées donnent l’impression de remplissage. Alors, quand la nouvelle est encore reprise (!)  en intégralité à la fin du livre, on la relit avec lassitude.

Beaucoup de questions tournent autour de la pauvre Claire embourbée dans des crimes commis par un « ami qui lui veut du bien ». Elle est liée aux crimes, mais comment et pourquoi ? Et surtout, comment quelqu’un peut avoir accès à son journal ?

Dommage :

  • Annoncé comme tel, je n’ai pas ressenti le livre comme un thriller, excepté peut-être à la fin.
  • Seul le personnage de Claire m’a un peu émue.

Le plus du roman :

  • L’écriture fluide permet de lire sans problème ces 350 pages, même si certaines sont de trop.
  • L’apothéose finale. On est loin d’imaginer qui était l’auteur, et ses raisons, un peu bizarres quand même. De plus, fan de chiens, j’ai apprécié le rôle d’Herbert qui tient une excellente place dans le récit.
  • L’humour :
«… c’est quelqu’un de formidable, dis-je. Très intelligente, très drôle. Tout le monde l’aimait. »
Sauf ceux qui n e l’aimaient pas, évidemment.
« Ça va, répond-il. elle est un peu fatiguée. Ocean ne fait toujours pas ses nuits. »
Personnellement, je ne peux pas lui en vouloir, elle doit être traumatisée par ce prénom ridicule.
On dirait un roman pour bonnes femmes, du genre qu’on regrette d’avoir acheté à l’aéroport avant même que l’hôtesse ait fini de faire des démonstrations de sécurité.

Et :

Un bon principe à suivre dans la vie, jeune homme. prépare-toi toujours au pire.