Chroniques régulières sur des livres, présentations de nouveaux auteurs

💜💜💜💜 JE T’AIME de Barbara Abel

RÉSUMÉ

Belfond
05/2018
460 p.
Bruno Pasteur conduit sous l’emprise de la drogue à fumer des joints toute l’après-midi avec sa petite amie Alice. Quand il la raccompagne chez elle, il percute le bus scolaire pour trouver la mort et provoquer celle du jeune Thibaut.
Et cet accident va emporter dans la tourmente trois familles.
Les parents de Thibaut, enfant né au prix d’une maternité compliquée se retrouvent anéantis et dévastés, surtout Solange sa mère.
Nicole, la mère de Bruno qui l’a élevé seule, totalement désemparée enrage de colère face à sa mort. Elle tient pour responsable de l’accident Alice la petite amie de son fils qu’elle exècre. Le look gothique de la jeune fille d’un genre douteux respire la mauvaise influence sur Bruno, en lui fournissant le cannabis. Alors, forte de son statut de greffière du tribunal auprès du juge Bonnet depuis une dizaine d’années, Nicole échafaude son plan du justice… en s’appuyant sur une jurisprudence récente pour accuser Alice de complicité d’homicide involontaire. Alors, grâce au soutien du juge Bonnet, la police va enquêter puis « inquiéter » la famille d’Alice, majeure depuis peu.
Celle-ci appartient à une famille recomposée rien de plus banale. Son père Simon veuf, chirurgien, s’est remarié avec Maude, une divorcée mère de deux ados Arthur 15 ans, et Suzie 11 ans. Mais une perquisition musclée dans la maison familiale, révèle à la surprise de tous une cave secrète où poussent des plants de cannabis. Ainsi, à la souffrance envahissante d’avoir perdu son premier amour, s’ajoute pour Alice la pression angoissante d’une garde à vue sans ménagement pour trafic de stupéfiant.
Et malgré cette épreuve éprouvante de la garde à vue, Alice nie connaître l’existence de cette cave. Or, à part elle, consommatrice assidue, qui, pourrait avoir l’intérêt de réaliser une telle culture ? Est-elle l’instigatrice à l’origine de ce trafic ? Alors, pour sauver sa fille Alice devant un avenir compromis, Simon va mettre en place une action défensive… au risque de mettre en péril la cohésion d’une famille recomposée. Un résultat percutant !

MON AVIS

Avec cet avant-dernier roman daté de 2018, je découvre l’auteure B. Abel, une Belge primée en 2002 au Festival de Cognac.

Tout au long de la lecture, un tas de questions assailliront le lecteur : Sans avoir fumé, est-ce que Bruno aurait eu son accident ? Alice est-elle une dealeuse ? Si Maude avait alerté Simon de la consommation régulière de joints d’Alice, le déroulement aurait-il été différents ? Quel action aurait pu déployer Simon s’il avait su ? Qui d’autre a pu mettre en place les plantations de cannabis si ce n’est Alice ?

Et derrière ce dédale de questions,  se trouvent en filigrane plusieurs thèmes de société :

LA FAMILLE RECOMPOSÉE

Voici une approche « réaliste » de la famille recomposée, fragilisée qui se disloque quand survient l’adversité. Alors que tout peut paraître lisse, l’instauration d’une relation de confiance est possible mais progressive, avec parfois des embûches, surtout en présence d’être en devenir comme des enfants ou ados. Avec les problèmes, les alliances se fissurent et des camps sur le sang se forment naturellement.

UNE APPROCHE DESTRUCTRICE DE L’AMOUR

Les amours filiaux varient selon les existences et les individus : la rage peut surgir quand nos proches sont en danger, ou une confiance excessive peut produire des ravages.

On intègre l’intérieur et l’intimité de plusieurs foyers dont le destin est totalement imbriqué. La vie en fait ! Mais l’ordre des choses peut être inversé. Ainsi des parents assistent au décès brutal de leurs enfants, l’existence leur devient insupportable, anéantissant toute projection dans l’avenir. Détruit, il faut se reconstruire, quitte à détruire. Façonnés sans manichéisme, les personnages portés par leur amour concoctent un relatif rétablissement de la justice avec des désirs vengeurs. Les démarches compréhensibles de Nicole, Solange et Simon atteignent un résultat mitigé – sans vouloir spolier – où chacun met en action une ligne de défense à sa manière.

L’AMOUR MULTIFORME 

« L’amour rend aveugle » appliqué dans les rapports amoureux se vérifie dans les relations parents-ados. L’attitude des personnages vis-à-vis de leur progéniture est ici cohérente : leur vision de la réalité noyée dans une absolue confiance se croient objectifs en leur jugement. La crédulité et le regard acéré des parents convaincus de la vertu immuable de leurs enfants fait sourire. Le roman les souligne à plusieurs reprises avec cette ritournelle « je le connais bien, je l’aurais vu » (à propos de l’usage du tabac ou de la drogue).

LA LOI ET LE CANNABIS

Trois jeunes sont terrassés à l’aube de leur vie. Des adolescents se pensent invincibles seront confrontés à la mort. Alors aux défenseurs de la légalisation du cannabis, cette illustration de son usage rappelle que cette drogue même « douce » n’est pas inoffensive. Ici, les conséquences prendront des proportions grandioses et catastrophiques indirectement pour tous les membres trois familles.

Dans le roman, l’évidence de sa consommation est si répandue et banalisée que la police ne s’y intéresse pas… jusqu’à ce que l’enquête évolue sur un réel trafic. La mise en place de cette culture d’herbe suscitera pour le lecteur un suspens croissant portant ses soupçons tour à tour sur chacun des personnages.

Sans dévoiler le mystère de la lecture, le tragique imprègne le roman grâce à un scénario et des personnages tout à fait crédibles et touchants. Quant à la sanction, le « petit coup de pouce » à la justice humaine fait froid dans le dos. Un excellent thriller.

Citations

S’il y a une chose dont Simon n’a jamais douté, c’est d’être né pour accomplir de grandes choses. Qu’y-a -t-il le de plus grand que de sauver des vies ?

En gros, c’est soit le gosse, soit le conducteur de la voiture. Sans savoir si le conducteur est toujours en vie. Le dilemme est cruel, le choix est impossible.


Reader Comments

  1. Il faut vraiment que je continue à découvrir cette auteure, j’ai beaucoup aimé d’elle « Je sais pas » que je te conseille.
    Bonne journée !

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