Chroniques régulières sur des livres, présentations de nouveaux auteurs

💜💜💜💜💜LE LABYRINTHE DES FEMMES de Coline Gatel

RÉSUMÉ 

Ed. Préludes
05/05/2021
500 p.
Lyon, Aout 1898.
Sur les quais de Lyon, dans son bateau-morgue, l’éminent professeur Lacassagne reconstitue son équipe. Il poursuit ainsi sa méthode d’autopsie mise au point pour « faire parler » les morts et coopérer avec la police. Ainsi, ses acolytes Bernard Lecuyer et Félicien Perrier sont réunis à nouveau pour étudier le cadavre d’un nourrisson, mais aussi plus impressionnant, le charnier de plusieurs dépouilles de femmes. Une des difficultés de l’affaire tient à l’extraction des victimes entassées au fond d’un souterrain secret sous l’église Saint-Bernard à Croix-Rousse.
L’équipe va s’agrandir peu à peu. Irina, leur amie journaliste va les rejoindre après qu’elle a enquêté sur les hôpitaux psychiatriques. Alors grâce à la complicité de Lacassagne, elle se fait interner à Vinatier mais elle ignore les sévices qu’elle va y subir à cause de son apparence physique.
En aparté de cette affaire en cours, un accident de vélo va survenir entre l’un des jeunes médecins avec Marie-Victoire, une institutrice de La Guillotière. Alors, Félicien va  recueillir la convalescente chez lui dans sa villa de Montchat. Aussi, compte tenu des chaleurs intenables d’été, tout ce petit monde s’y installer également. Ainsi, Irina, encore traumatisée par son séjour à Vinatier, comme la jeune Marie-Victoire, elles vont s’impliquer à leur manière dans cette enquête de femmes mortes après d’innommables tortures. Quand vient s’en ajouter une toute nouvelle victime, le mystère s’épaissit.

MON AVIS

Après le très bon LES SUPPLICIÉES DU RHÔNE, Coline Gatel s’est encore  dépassé avec  cet excellent ouvrage. Ici, l’auteure poursuit l’aventure romanesque des études d’Alexandre Lacassagne, médecin pionnier en matière de criminologie. Ensemble, avec ses deux jeunes disciples, ils collaborent avec la police. Ainsi, la trouvaille d’un amoncellement de cadavres de femmes, va confronter la petite équipe à un forcené sadique et mettre en lumière des groupuscules secrets.

Alors, nos jeunes enquêteurs vont devoir prouver une conception du tueur en série, très novatrice pour l’heure. Pour cela, leur créativité va mettre à leur service toute la technologie possible pour décortiquer tous les nœuds de cette affaire (photo, dessin, empreintes).

Sur un fond d’intrigue policière, ce roman mêle des personnages imbriqués dans des vies personnelles parfois honteuses et souvent dissimulées. Chacun a son jardin secret bien gardé. Mais en bonne intelligence, dans ce petit groupe né du hasard, des liens se tissent et effacent les défiances du début. Ainsi, l’osmose fructueuse entre ces jeunes gens performants et courageux procure une dynamique productive pour démasquer l’origine de crimes sordides et un mode opératoire sophistiqué.

Coline Gatel nous bluffe encore. Ses recherches sur l’ancienne topographie des lieux, de grands hommes et les techniques criminelles nous enfonce dans le ventre de Lyon. Ainsi l’intrigue captivante malmène ses personnages dans un cadre social. Le récit nous happe dans une enquête policière et psychologique, sans oublier l’aspect sociologique qui dénonce la coûteuse et laborieuse quête de liberté féminine.

LA SOCIÉTÉ DE L’AGGLO LYONNAISE DEBUT XXe  

Nous nous enfonçons dans les entrailles de Croix-Rousse et vers l’hôtel-Dieu et Vinatier. Et après avoir observé le milieu social du quartier des canuts (dans le précédent livre), le présent ouvrage dépeint des crimes commis dans une société plus conservatrice de la bourgeoisie offrant un tableau social où la femme tend à s’affirmer. Apparaissent alors des formations secrètes et occultes nées de la pression idéologique et sociétale. Certaines les accusent de sorcellerie, d’autres les protègent. La société évolue, et cela ne plait pas toujours.

En prime, elle dépeint une jolie illustration de l’avènement de la bicyclette dans la société, avec la réticence des uns et l’engouement des autres.

LA MÉDECINE

Félicien Perrier est le plus brillant de l’équipe, mais aussi le plus moderne. Accro aux drogues, et chargé d’un passé psychologique douloureux, il va expérimenter les débuts  de la science psychanalytique de Freud.  Pour les besoins du roman, celui-ci va traiter notre jeune médecin par le biais de l’hypnose, avant de partir pour d’autres horizons.

LES EXPERTS avant l’heure.

Le vif Félicien Perrier, s’adonne aussi aux prémices du profilage avant l’heure, en se pénétrant de la condition psychologique de l’auteur des crimes.

Par ailleurs, notre équipe de fins limiers entourant Lacassagne maîtrise la technologie usitée dans des domaines disparates, mais nécessaire pour l’enquête criminelle. Ainsi, la photographie  va contribuer à faire avancer  l’enquête :  les clichés  immortaliseront la mise en scène de crimes et pourront aider à la reconnaissance des victimes. De même, pour la datation d’un macchabée, la technique de l’étude de la décomposition des chairs est également expliquée.

DÉRIVÉS ET DÉVIANCES FÉMININES

Le personnage d’Irina particulièrement riche d’intérêt offre une palette d’originalités. Dans ce volume-ci, son audace prend un degré autrement dramatique. Déjà, sa tenue vestimentaire frôle la marque d’une dérive. L’émancipation n’est pas non plus à souhaiter chez des femmes recommandables. Alors quand elle s’éprennent de liberté, s’affirment et visent de s’affranchir du mariage, la société les redoutent. Comment celle-ci va vaincre ce désordre avec un équilibre si bouleversé ?

Sans divulgâcher, l’immersion d’Irina au Vinatier la projette en enfer. Comme elle, le lecteur est immergé chez les aliénistes destinés à soigner les déviances sexuelles. Il fallait remédier, soigner ces graves maladies, chez les femmes surtout : l’onanisme et l’homosexualité. Attention, les thérapies de conversions existent encore !

Merci à Netgalley et aux éditions Préludes pour ce service de presse. Cet ouvrage cumule les bons prétextes à devoir le lire.  De quoi être transporté dans le temps et la région lyonnaise pour se faire plaisir durant près de 500 pages (en broché).
#LeLabyrinthedesfemmes #NetGalleyFrance

LES PLUS

citations

La femme doit être le pilier central de la famille, et porter un regard affectueux sur tous, sans pour autant se mettre en avant, et placer son mari dans une situation difficile. Un large sourire accueillit sa réponse.
— Toujours en retrait, mais toutefois présente.
— Oui, c’est cela ! Ma mère est ainsi. Elle gère la maisonnée tout en demeurant discrète.

Le Vinatier, hôpital psychiatrique par excellence  à lire sans y aller👉🧐  

👉🧐 Église Saint-Bernard à Lyon

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