RÉSUMÉ
Richard Mievel, médecin généraliste à Paris a été sauvagement assassiné à son cabinet. La scène de crime d’une cruauté singulière exercée sur la victime va permettre à la police d’en tirer des indices cruciaux. Cependant avant d’en tirer des résultats probants, à l’analyse de son vécu en apparence sans histoire, ce chirurgien nourrissait un goût prononcé et malsain pour la tératologie. Et Sophie, son épouse ne pourra éclairer personne sur cette passion morbide, car elle se suicide quelques heures après l’assassinat du médecin.
Sous le commandement du « Bélier », l’enquête de Gabriel et de la jeune lieutenante Naomie décortique toutes les ramifications de l’affaire. Des indices suggèrent des croyances ésotériques, puis s’orientent vers des théories nazies prônant le « Gnadentod » (la mort miséricordieuse). Ainsi, le médecin s’avère clairement peu net de son vivant.
Naomie, acharnée de vérité, va très vite découvrir que cet homme organisait des combats avec des patients atteints d’acromégalie. Et bientôt, sa perspicacité la mènera jusqu’en Italie, à Turin…
En parallèle de l’enquête, Gabriel est sollicité par William, un ami de longue date pourtant banni de ses fréquentations à tout jamais, pour retrouver son ex-maitresse disparue. Honteux de leur passé commun, les réminiscences d’un tourisme noir lors d’un périple en Lettonie, Gabriel refuse catégoriquement son aide à William. Or, celui-ci va être retrouvé assassiné dans des conditions présentant des points communs avec les tortures infligées au médecin. Ainsi, malgré lui, Gabriel va être contraint d’enquêter sur le crime de William et finalement rechercher ladite disparue.
Quel lien y a-t-il entre ces deux affaires ? En quoi les anomalies physiques créées par la nature sont-elles la pièce angulaire de ces deux crimes, et de suivants ?
Les collaborations efficaces des enquêteurs démantèlent peu à peu l’entrecroisement des intrigues qui se rejoignent… pour une extra-ordinaire vérité.
MON AVIS
« La panacée résidait dans ce paradoxe. Appréhender la mort sous toutes ses coutures de manière à la dompter. »
Un grand merci au site Netgalley et les éditions Hugopoche pour le service de presse de cette nouveauté hors du commun.
Âme sensible s’abstenir : le macabre est au rendez-vous. La mise en scène de crime est elle-même désopilante de réalisme, l’auteur n’a pas lésiné sur les détails morbides dans la description du résultat des tortures infligées par un monstre sanguinaire. Mais attention, sans trop exagérer sur les touches d’hémoglobine, ce n’est pas gore, juste un peu brutal de dureté. Les élucubrations glauques du médecin et ses motivations à propos de ses patients font froid dans le dos, et les découvertes policières vont fournir des explications à glacer le sang sur les mobiles de son assassinat. On ne s’ennuie pas une minute avec de multiples rebondissements.
Ce thriller au thème complètement atypique procure une belle enquête qui nous introduit dans le monde particulier de la tératologie. En abordant ces maladies rares comme l’acromégalie, de la porphyrie ou celle des enfant de Lune, l’auteur nous familiarise avec les symptômes graves et monstrueux des personnes atteintes et des souffrances induites. Quand tous ces « monstres » dans une société qui les rejette sont aussi maudits par leur propre famille, alors ils doivent se contenter des mains « généreuses » tendues qui s’offrent à eux. Ici, les travers de cette mise à l’écart devient le terreau d’un terrible policier « social » ou « médical ».
UN POLAR CAPTIVANT
La mise en scène complexe va décliner les intrigues vers des horizons insoupçonnés. Les deux policiers principaux sont attachants, et efficaces dans leur propre style. Gabriel est un homme équilibré. Enlisé par la maladie de sa femme, il ne rechigne pas à la tâche et ne laisse pas envahir de remords à propos d’un passé révolu n’émaille pas sa droiture. Quant à Noémie, les difficultés de son passé familial a forgé son caractère à la dureté et à endurance pour l’adversité sans pour autant être dénuée d’empathie.
Le rythme soutenu du dénouement dynamise le roman, sans devenir assommant malgré le sujet choisi : glauque et difficile. Les enquêtes parallèles de Naomi et de Gabriel qui avancent selon leur cadence offrent des tableaux complètement différents pour un meilleur suspens. En effet, difficile de comprendre comment vont s’imbriquer toutes les énigmes dénichées ici ou là. Ou par quel phénomène, un lien va s’établir entre ces personnages hors du commun.
Les maladies rares, les anomalies de la nature surprennent, sidèrent voire effraient. On découvre que ces souffrances morales et physiques alimentent aussi un monde insoupçonné de dérives, notamment (en tout cas pour moi) le tourisme noir (je vous laisse déflorer le sujet) provoquant la torpeur des antagonistes. La narration parfaitement à propos de ces loisirs malsains loin d’être superflue valorise au contraire le sens de tous les crimes.
AU CŒUR DE LA GÉNÉTIQUE
À l’heure où la recherche génétique fait des miracles et laisse entrevoir des guérisons pour les maladies génétiques extrêmement rares, ce thriller rappelle le cheminement épineux pour en arriver là. Des progrès moraux ont dû être parcourus avant des progrès scientifiques. Les handicaps, les malformations disgracieuses d’enfants nés avec ces troubles inconnus dans des familles déstabilisent autant les parents que la société, non aptes à les accueillir. Ainsi, au-delà des discours théologiques ou ésotériques, des fondations laïques ou religieuses ont recueilli ces petits êtres pour les mettre à l’écart de la société dans le but de les épargner.
Cet ouvrage est une mine d’informations sur les influences scientifiques et les erreurs génétiques (cf. paragraphe suiv.). À l’instar du metteur en scène de la série 📺 👉Hulk, du film 🎞👉d‘Elephant Man, ou encore de 🎞👉 Shrek, l’auteur ici a fourni une illustration originale et non moins dramatique du devenir de personnes souffrant d’acromégalie ou de porphyrie.
#Lesoubliésdedieu #NetGalleyFrance
POUR ALLER PLUS LOIN
Tous ces termes prennent sens dans ce roman : tératologie (source Wikipedia) — enfants de lune — Porphyrie — génétique — acromégalie — Mendelian Inheritance in Man (MIM)
La tératologie est la science des anomalies de l’organisation anatomique, congénitale et héréditaire, des êtres vivants. La discipline a longtemps été assimilée à l’étude des « monstres » humains et animaux, c’est-à-dire des anomalies les plus spectaculaires, mais elle concerne tout écart anatomique significatif présenté par un individu par rapport au type spécifique, au-delà des variations individuelles qui différencient normalement un sujet d’un autre dans la même espèce. Source d’intérêt et d’études dès l’Antiquité, la tératologie se constitue en tant que discipline scientifique au milieu du XVIIIe siècle et c’est Étienne Geoffroy Saint-Hilaire et son fils Isidore qui lui confèrent, au siècle suivant, une méthode et une nomenclature. Associant les observations et les recherches des médecins et des vétérinaires la tératologie participe alors aux progrès de l’embryologie jusqu’à devenir progressivement un chapitre de la pathologie de l’embryon.
L’histoire de la tératologie est intimement liée à celles des mythes et des légendes produites par les civilisations humaines : la plupart des dieux égyptiens sont des créatures zoo-anthropomorphes ; les Chaldéens attribuaient une signification prophétique aux nombreuses malformations humaines dont ils avaient connaissance4 ; la mythologie grecque abonde en satyres, sirènes, faunes, centaures et cyclopes ; Platon, dans Le banquet, décrit des êtres parfaits, hermaphrodites, coupés en deux par punition divine. L’iconographie médiévale regorge de représentations monstrueuses. En Occident, la naissance de sujets hors du commun est longtemps considérée – à l’instar des phénomènes célestes inexpliqués, également qualifiés de monstrueux – comme une expression de la colère des dieux ou comme un avertissement qu’ils délivrent aux hommes. Il faut attendre le milieu du XXe siècle pour comprendre que le fœtus peut être perturbé par des substances provenant de l’extérieur. Jusqu’alors, l’utérus apparaissait comme une barrière infranchissable. Avec la tératogenèse expérimentale, Étienne Wolff (1904-1996) établit les liens précis qui lient les stimuli (substances chimiques, carences nutritionnelles, radiations, maladies, mutations) et les déformations qu’ils provoquent. Avec les progrès de la génétique et de l’imagerie médicale, la tératologie descriptive a cédé le pas au diagnostic prénatal, à la médecine fœtale et à la chirurgie néo-natale. La tératogénie reste une discipline d’actualité, en raison notamment de la nécessité d’évaluer le potentiel mutagène et/ou tératogène des molécules utilisées en pharmacie et dans l’industrie en général.
L’acromégalie (du grec ἄκρος (akros) « haut » ou « extrême » et de μεγάλος megalos « grand » – agrandissement des extrémités) est un trouble hormonal qui provoque une augmentation anormale de la taille des pieds et des mains et une déformation du visage, y compris à l’âge adulte1. La maladie est parfois aussi nommée maladie de Pierre Marie (d’après le nom du médecin l’ayant décrite). L’acromégalie est presque toujours induite par une tumeur bénigne de l’hypophyse qui provoque une hypersécrétion d’hormone de croissance. L’hypersécrétion concerne parfois aussi une seconde hormone (la prolactine), qui contrôle la croissance des glandes mammaires, la sécrétion de lait et la fertilité.
La porphyrie chronique, congénitale ou maladie de Günther, se manifeste dès l’enfance et persiste à l’état adulte sous forme d’éruptions cutanées bulleuses sur les régions du corps exposées au soleil ; elles s’accompagnent souvent de lésions dystrophiques diverses. La porphyrie cutanée ressemble à la précédente, mais ne s’accompagne pas de dystrophies, et peut apparaître à l’âge adulte.
Turin à l’époque de Cottolengo avait de nombreuses institutions caritatives, mais très peu en bénéficiaient. Certaines catégories telles que les handicapés psychiques, les épileptiques ou les sourds-muets n’étaient pas prises en compte par la société car les institutions avaient des règles d’accueil strictes. Dans ce contexte se déroule le drame d’une mère de trois enfants qui, proche des douleurs de l’accouchement, rejetée par deux hôpitaux, meurt sans aide devant son mari et ses enfants, assistée du chanoine Giuseppe Cottolengo. Cet événement trouble son âme qui, au plus fort d’une crise personnelle, en accueillant la souffrance de l’autre, trouve en lui une vocation particulière au service de la charité. Quatre mois après l’événement, Giuseppe Cottolengo a fondé le « Dépôt des pauvres malades du Corpus Domini », appelé plus tard «Ospedaletto della Volta Rossa», pour l’accueil de patients qui ne pouvaient pas trouver de place dans d’autres hôpitaux. Cette expérience dure environ quatre ans, jusqu’à ce que le gouvernement de la ville l’oblige à fermer.
Le projet Héritage mendélien chez l’humain (en anglais : Mendelian Inheritance in Man) est une base de données originellement compilée par Victor A. McKusick et qui dresse un catalogue de toutes les maladies connues qui relèvent de l’un ou l’autre composant génétique et — si possible — les relie aux gènes adéquats au sein du génome humain. Cette base de données est disponible sous forme d’un livre appelé Mendelian Inheritance in Man (MIM), qui en est à sa 13e édition.