Chroniques régulières sur des livres, présentations de nouveaux auteurs

💜💜💜💜 LES SUPPLICIEES DU RHONE de Coline Gatel

RESUME

Les prémices des experts
Ed° Préludes
06/2019
448 Pages
1897. Le cadavre d’une jeune femme retrouvé dans la ville est examiné à la faculté de Médecine par le Professeur Lacassagne à l’Hôpital Universitaire de Lyon. Ainsi, afin de mettre en application ses théories criminalistes, celui-ci confie l’autopsie du corps non identifié à ses meilleurs élèves. D’ailleurs, il pressent son étudiant favori Félicien Perrier comme le plus à apte à suivre ses trace. Il l’envisage même comme  genre idéal.
La thése défendue par Lacassagne se détache de celle de l’éminent Lumbroso, maître en matière criminalistique. Selon Lacassagne :
Tout homme né dans la fange pouvait s’en extraire, car rien n’est mauvais dans l’esprit, tout est à cultiver.
Fort de la totale confiance accordée par le Professeur Lacassagne, Félicien va constituer un binôme appliqué et motivé avec ami Bernard Lecuyer. Les deux étudiants deviennent des référents en investigation criminelle.
En parallèle de la police, leur science en anatomie « décortique » la victime pr mieux la connaître de son vivant  et éclaire des énigmes. En effet, la priorité est aussi de rendre une identité à ces corps sans vie. Face à la réticence des policiers de cette immixtion dans le domaine criminel, Lacassagne n’hésite pas à mettre tous les moyens matériels possibles à disposition de Félicien et Bernard rejoints par Irina, une pigiste au Progrès. Friande de scoops et captivée par cette affaire de crime, la jeune femme intègre l’équipe pour tirer le meilleur et le pire de chacun pour mieux enquêter.
Mais une autre femme morte dans la ville va augmenter la pression sur le trio. Et bientôt, Lacassagne perçoit un défi lancé par le meurtrier aux missives envoyées à l’Université de Médecine. Il se sent visé et en danger.
Mais la progression de l’enquête avance. Et les observations et les découvertes de chacun les pousse à soupçonner ses acolytes… Finalement, le meurtrier serait-il donc si proche de ces médecins quasi-auxiliaires de police ?

MON AVIS

Quel véritable plaisir de ce voyage dans le temps. Ma reconnaissance et mes remerciements vont donc naturellement aux Editions Préludes et au site Netgalley pour la découverte de ce roman.

Un roman historique et social

L’aspect historique garantit une qualité indéniable au roman qui attise notre curiosité et notre désir d’affouiller les nombreux sujets abordés. Mes recherches sur Wikipédia sont ainsi signalées.

On visite le Lyon du fin 19è. Connaissant un peu cette ville d’histoire, j’ai retrouvé les monuments et quartiers typiques qui lui procurent du corps. Les lyonnais apprécieront cette incartade historique dans leurs rues, quais, traboules et bouchons. Bienvenue à Lyon, cité à ABSOLUMENT découvrir…

Les principaux quartiers sont décrit à travers une toile sociale de l’époque du roman. Les pentes de Croix-Rousse abritent la vie des canuts, ces ouvriers tisserands. Essentiels à la prospérité de Lyon, les soyeux ont contribué à sa renommée. Le roman dépeint le quartier de pentes de la Croix Rousse ainsi que les débuts de son Centre Hospitalier toujours de bonne réputation et performant. Aujourd’hui agrandi pour les besoins de la science,  ses anciennes ailes ont aussi été modernisées, car, évidemment, l’évolution sociale et économique a modifié le panorama urbain.

La place particulière de l’Hotel Dieu tient sa légitimité dans le roman à son histoire. Vaste et imposant sur les bord du fleuve, il est emblématique dans le récit, et dans la ville. Premier hôpital de Lyon, il est aujourd’hui devenu vieillot et obsolète avec le temps, et donc reconverti avec magnificence pour entamer une seconde vie.

Pour l’aspect historique au niveau national, j’ai été titillé par le « certificat de travestissement ». Une très intéressante illustration du personnage d’Irina.

illustration

Dotée depuis la veille, de son précieux document qui officialisait son droit à se vêtir en homme elle avait donc troqué avec plaisir, son corset, ses jupons, sa robe et son manteau contre une tenue masculine plus adaptée à ses mouvements

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Ici, on décrypte aussi l’historique du système des infirmières et des ambulances. Ici, le roman suscite encore la curiosité dans le domaine. L’auteure met en lumière sur cette notion d’infirmière laïque naissante mais pas encore répandue dont l’origine vient de Suisse.

Les prémices de la science criminelle

Ce roman tend présenter les prémices de la science criminelle telle qu’on la connait aujourd’hui. Mais les amateurs de la série américaine « les experts » resteront sur leur faim car les moyens scientifiques ont évolué et continuer de progresser. Nous sommes fin 19è, où seules les empreintes digitales sont réputées fiables et uniques. Aucune notion de serial killer puisqu’elle est née aux Etats-Unis des années plus tard. La criminologie joue aussi beaucoup sur la psychologie.

Mais la recherche de Lacassagne a donné aujourd’hui son nom à l’institut où est enseigné la criminologie à Lyon dans la faculté de Médecine. Cette estampe policière et sociale met en évidence les éclaircissements aux enquêtes gràce à la medecine légale sur un cadavre. De cette discipline nait une coopération nécessaire et essentielle à la police dans les crimes.

Dans le roman, Lacassagne a enseigné à l’Hôtel Dieu (en vrai, je ne crois pas) mais la contribution de ce médecin en sciences criminelles demeure incontestable. On retrouve aussi dans le livre ses quelques théories d’anthropométrie. Y apparaît sa brêche avec son homologue italien Lombroso qui théorise lui, le criminel-né. Selon le roman, voici la théorie  du criminel pour Lacassagne.

Catégorie de criminels

– Criminels de pensée – un fou avec facteur héréditaire qui tue de façon anarchique. – Criminel d’acte – le plus fréquent, occasionnellement sous le coup d’une émotion et souvent regrette – Criminel de sentiments – dangereux réfléchi et incurable-

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L’évocation de la morgue à Lyon à l’époque laissera le lecteur songeur. En abordant le sujet du bateau-morgue, le bouquin donnera une connotation intéressante et historique aux abords de la Guillotière (page 63).

Personnages ambigus

Le récit policier se situe dans un cadre historique, mais des questions en chaine surgiront au fil des pages. Les victimes, des jeunes femmes nubiles présentent des cadavres marqués de traces de foeutus récents ou d’avortements. Leur passé, leur vie antérieure décortiqué nous dépeint un tableau hétéroclite de la société. Une turpitude de faiseuse d’anges ? Leur milieu social d’origine diverse perturbe l’enquête car quel lien les unit toutes ? En quoi le meurtrier inquiète personnellement les hommes de Lacassagne ?

Les protagonistes, brillants, jeunes et enjoués dynamisent et animent cette ambiance morbide, de morgue, et de mort. Félicien Perrier détonne avec le personnage lisse imaginé par Lacassagne. Son caractère dur et ambigu façonne un individu perturbant.

Je suis malsain… mais ça l’avenir te le prouvera.. et même tortionnaire. je me délecte de voir la peur dans le regard des gens. »

Sa duplicité alimente son côté « clair-obscur »dans l’enquête.  Il se fond dans les méandres des opiumeries, sa sexualité est équivoque, quant à son passé…

Irina Bergovski, la journaliste du Progrès n’a rien n’a lui envier. D’origine étrangère, elle s’insère dans la société avec un étonnant succès. Inconvenante,  elle affiche un look masculin, à contre-courant de la mode et des conventions sociales. Son attitude et son passé contribue à troubler le lecteur dans ses suggestions pour l’enquête même si son hardiesse et son courage le surprendra.

Le secret le plus déroutant sera révélé par Bernard Lecuyer sur son passé.

L’enquête à rebondissement nous tient en haleine. Le cadre historique pourvoit à drainer le charme de l’intrigue. Par contre je regrette un peu la confusion sur les mobiles du coupable selon moi un peu alambiqués.

ON FERME LE LIVRE A REGRET et pour qui se rend à Lyon, vous verrez la ville sous un autre éclairage.

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BONNE LECTURE !!!

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