Chroniques régulières sur des livres, présentations de nouveaux auteurs

💜💜💜💜 MENSONGE de J.P. Delaney

 RESUME

Edition Mazarine
09/19
360 pages
Claire Wright, étudiante européenne dans une école d’art dramatique à New York, a trouvé une activité lucrative pour financer sa colocation avec Jess. En plus, ce job étudiant original lui permet de mettre en pratique ses talents de comédienne. Embauchée par Henry, un ancien policier devenu enquêteur d’un cabinet d’avocats spécialisés dans les divorces, elle doit tester la fidélité de maris soi-disant volages.
Seule, assise dans un bar d’hôtel luxueux, elle se laisse aborder par les hommes ciblés pour vérifier leur engouement à vouloir la séduire. Le jeu s’arrête pour elle quand elle a recueilli les preuves nécessaires pour le cabinet de l’infidélité ou pas de l’époux en question.
Mais un soir, « son client » en question Patrick Folder, ne semble pas mordre à l’hameçon de ses charmes, plus intéressé par le fait de discourir avec elle de littérature, notamment des Fleurs du Mal de Baudelaire. Pour Claire, cet intello « n’a rien d’un salopard qui trompe sa femme », voilà ce qu’elle rapporte à un épouse soupçonneuse Stella.
Ce « dossier » pourrait être clos, mais la police va s’intéresser de près à Claire car Stella, l’épouse soupçonneuse, est retrouvée assassinée dans une chambre d’hôtel. En interrogeant Claire, une profileuse le docteur Kathryn Latham, et l’inspecteur Durban vont lui proposer de coopérer avec eux en échange d’une carte verte pour « coincer » l’auteur présumé du crime : Patrick Folder. On soupçonne cet universitaire d’être le serial killer d’au moins huit femmes tuées dans d’affreuses conditions.
Après un apprentissage sur le profilage avec une explication des traits de personnalité de l’homme à séduire, Claire devra mettre en application ses talents d’actrice pour jouer les appâts et exacerber les pulsions sadiques de Patrick Folder. Mais, convaincue d’une méprise à son sujet, elle apprécie de plus en plus leur conversation et se découvre beaucoup de points communs. Il lui semble si normal qu’elle va venir à penser qu’elle était elle-même manipulée… son désespoir va la pousser à une tentative de suicide ou elle va se retrouver en centre psychiatrique.
À présent, droguée par les cachets, et isolée, comment va-t-elle sortir de cet internement ? Pourquoi personne ne la croit quand elle évoque l’existence de cette mise en scène policière ? Quel rôle a-t-elle joué dans cette affaire ? Et surtout, qui a tué Stella ?

MON AVIS

Je remercie sincèrement la maison d’édition Mazarine et le site internet Netgalley pour ce service de presse où je découvre l’auteur déjà très renommé notamment avec son précédent thriller psychologie « La Fille d’avant ».

Dans ce roman policier qui se déroule à New York, beaucoup de thèmes abordés nous dépaysent et les multiples rebondissements alimentent un suspens formidable.

Dans les méandres de la psychologie

La formation d’un profiler auprès de notre héroïne nous renseigne sur les talents manipulateurs que développent les tueurs en série. Mais l’inexpérience de Claire et le personnage lisse de Patrick Folder rendent difficile la crédibilité de la théorie concernant la dangerosité de l’homme en question.

Claire doute, voire n’adhère pas du tout à cette idée. Elle affirme à la police avec qui elle doit collaborer : « Vous essayez toujours de déformer les faits pour qu’ils collent avec votre théorie débile.» En effet, elle constate que les actions et dires de l’homme à surveiller, ne correspondent à ce qu’on lui annonce. Il est normal. Pourtant, comme lui rétorque le docteur Latham : « la plupart de ceux [serial killer] que j’ai rencontrés sont de meilleurs comédiens que vous ne serez jamais. »

Bref comme notre héroïne, on se perd dans des interprétations psychologiques. D’autant qu’elle découvre en Patrick une fidèle réplique de sa propre existence, et qu’aucun homme n’est aussi parfait, même au bout de plusieurs mois ! Finalement, n’aurait-elle pas été manipulée par la police ?

Dans l’épisode de son internement à l’hôpital psychiatrique, il y a de quoi perdre son latin, ou sa raison. On assiste à une descente aux enfers d’une personne qui paraît saine d’esprit piégée dans le marasme des somnifères et des médicaments. L’angoisse nous enserre aussi. Comment peut-elle se sortir de cette situation d’une « hospitalisation sans consentement » ? Car Claire s’affole : « Vous voulez dire que je n’irai pas mieux tant que je croirais aller mieux ? Ça fait un peu « Vol au-dessus d’un nid de coucou, non ? ».» Quels stratagèmes pour tenter de fuir de cet asile !

L’art, la littérature et la mort

Avec cette apprentie comédienne qui galère à New York pour « jouer », il est difficile de lire à propos de cet univers professionnel sans penser à la filmographie de Woody Allen qui y fait souvent référence. On assiste aux répétitions avec les jeux du mur, le jeu de l’argile. Les metteurs en scène, les producteurs, les têtes d’affiche, les stars en devenir, et les auteurs rivalisent d’idées pour tirer leur épingle du jeu, et sortir de l’anonymat. Alors, quand des morts interfèrent dans le cours de la programmation, on scandera « the show must go on ».

Les dialogues sont d’ailleurs présentés avec un clin d’œil du théâtre il sont écrits avec une typographie similaires aux pièces.

Ce roman policier cultive un goût prononcé pour la littérature française, notamment « Les Fleurs du mal » de C. Baudelaire, effeuillé, interprété au fil des pages avec nombre de vers cités. Personnellement je suis peu sensible à cette littérature qui me rappelle des souvenirs scolaires rébarbatifs, mais ils aèrent le suspense d’un peu de poésie. Pourquoi pas ?! De cette façon, on découvre autrement cet ouvrage dit « classique » où est ressuscité avec modernité. Par son interprétation, on décortique la notion de « Vénus blanche » et « Vénus noire » et suggère alors la conception de l’amour selon Baudelaire, avec les ombres de sa vie.

Une belle intrigue littéraire qui permet aux lecteurs de mesurer lui-même la candeur, la théâtralité calculatrice, les manipulations ou la gradation de la dangerosité des personnages. Finalement, ils sont tous scrutés car beaucoup de questions surgissent, tout se complique au fur et à mesure…

Les vers de Charles Baudelaire se relisent avec un autre œil. Ils procurent ainsi un prétexte poétique d’actes condamnables. Une chute finale qui vous laissera sans voix. Suspense garanti.

Vous pouvez vous procurer l’ouvrage chez votre libraire, chez DECITRE ou à la FNAC.
Votre avis sur la chronique ou le livre est le bienvenu…

Quelques phrases qui ont retenu mon attention :

P.34 J’ai vu des introvertis timides se transformer en rois et reines, les laids devenir beaux et les beaux devenir repoussants. Quelque chose se passe, que personne ne peut expliquer. L’espace d’un instant, vous êtes quelqu’un d’autre.
P. 21 Moralité : Ne jamais tomber amoureux d’une personne qui préfère prononcer les paroles de quelqu’un d’autre.
[…], je croyais que le goût pour les coups de canne découlait des punitions de l’enfance. Ce que l’on appelle le vice anglais. Mais curieusement, c’est la génération Spock, celle des personnes qui n’ont jamais reçu de fessées dans leur enfance, qui cherche à expérimenter le bondage et la domination.
Comment pouvons-nous nous faire confiance, en sachant que nous sommes très doués pour mentir l’un et l’autre ?
Pour Baudelaire, le sexe n’est pas une démangeaison physique, mais un désir métaphysique. Ce n’est pas une gymnastique machinale, mais une connexion, si fugace soit-elle, avec les redoutables et sombres de l’existence.

 


Reader Comments

  1. Ah « le fille d’avant » est dans mon IMMENSE PAL. Apparement, celui-ci a l’air sympa aussi, donc pourquoi pas, l’intrigue a l’air un peu originale 😉

    1. Encore une fois, mille mercis pour ta fidélité Aydan, et n’ayant pas encore lu « la fille d’avant » je saurais pas te dire lequel je préfère mais ici l’intrigue est maintenue jusqu’au bout. Bonne lecture (quelle qu’elle soit !)

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