Chroniques régulières sur des livres, présentations de nouveaux auteurs

đź’śđź’śđź’śđź’śđź’śOBSCURITAS de David Lagercrantz

Résumé

HarperCollins 10/22 475 p.
Suède.
À cause de son attitude virulente pour défendre le jeu de son fils lors d’un match de foot, « Beppe » est très vite suspecté de l’assassinat Jamal Kabir, l’arbitre. Mais l’une des enquêtrices, la jeune Micaela Vargas, issue de la même banlieue que Beppe, le connait bien et refuse de croire à sa culpabilité. Or bien que cette conviction rejoigne celle de Hans Rekke, un éminent psychologue consulté sur l’affaire, la police campe sur ses positions et donc, exclut Micaela de l’enquête.
Alors sans fléchir dans sa détermination à éclaircir la vérité pour libérer un innocent, elle poursuit ses recherches de son côté. À partir de la victime elle-même, elle réfléchit au mobile conduisant à vouloir sa mort, une fin très violente.
Cependant, la policière regrette l’expert Hans Rekke et son intelligence hors du commun quand soudain, la providence va croiser leurs chemins, car, si ce génie excelle dans diverses disciplines, il souffre de bipolarité avec des phases dépressives. Et par un hasard extraordinaire, Micaela va sauver la vie à Hans Rekke qui tentait de se suicider. Dès lors, une complicité confiante s’articule entre nos protagonistes pour dénouer le crime d’une envergure insoupçonnée où la victime serait mêlée à la CIA et le régime taliban. D’ailleurs, l’enquête intéresse aussi des strates gouvernementales, notamment le ministre des Affaires étrangères, dont l’assistant n’est autre que Magnus, le frère de Hans.
Quelles découvertes sur la victime le duo Vargas-Rekke va-t-il soulever ?

Mon avis

Cet auteur David Lagercrantz avait écrit la suite de Millenium, et comme je n’ai lu que les 3 premiers tomes de l’écrivain à l’originel de la série, je le découvre.

Difficile de lâcher OBSCUTRITAS, riche de près de 500 pages captivantes. L’intrigue part d’un fait divers dans une banlieue populaire : apparemment, un crime revanchard aurait été justifié par la colère d’un supporter dans le milieu du foot. Et la police se cantonne à cette conclusion après cette déduction si évidente. C’est sans compter sur l’obstination d’une jeune enquêtrice et l’esprit tarabiscoté d’un psychologue émérite. Animés par leurs doutes, ils vont parvenir à établir un lien entre le football et le véritable mobile du crime… inattendu !

Quelques retours dans le passé, et des scènes dans différents espaces procurent un rythme bien pensé. L’écriture décrit parfaitement l’attitude des personnages, et leurs pensées.

Et j’aurais aimé retenir toutes les formules latines prononcées par Rekke, elles sont intéressantes.

« quidquid dictum sit, altum videtur »*

(*tout ce qui est du latin parait profond)

VENGEANCE PERSONELLE ?

Sans tourner autour du pot, l’auteur suggère vite que l’enquête prendra une dimension bien plus grande. Mais tout en douceur et avec parcimonie, les protagonistes qui ont l’étoffe de héros finissent par aboutir à l’ultime découverte.
Ainsi, on voyage dans le temps et  de Suède, on se rend jusqu’en Russie, au Pakistan et en Afghanistan. LĂ , s’instaure sournoisement un rĂ©gime totalitaire avec une violence fĂ©roce, notamment celle des talibans. Le plaisir « anodin » n’y a plus de place. On assiste aux supplices difficiles Ă  imaginer de nos jours dans notre sociĂ©tĂ© : c’est-Ă -dire la torture de musiciens et la destruction des instruments de musique. Et l’on se rend compte de l’importance de la musique et de la lecture considĂ©rĂ©es comme subversives et donc interdites par les dictatures. Quand la privation de libertĂ© commence par l’interdiction de toute pensĂ©e ou culture extĂ©rieure la religion. D’ailleurs, le thème de la musique est dĂ©clinĂ© tout au long du roman.

Ainsi, le récit décrit le piège d’un endoctrinement. Et j’ai apprécié l’idée d’une prise de conscience parfois tardive de sujets convertis à l’extrémisme, et ce, à leur insu.
Et l’on voit la rĂ©action amĂ©ricaine de la CIA avec l’existence de « Dark prisons ». Loin d’ĂŞtre des saints, les occidentaux infligent elles aussi des tortures psychologiques en vue de faire parler, ou d’exhorter des informations.

UN DUO PERFORMANT

La combinaison de l’enthousiaste Micaela Vargas avec son mentor angoissĂ© Rekke m’a conquise.

La modestie de Rekke pourtant talentueux dans tout ce qu’il accomplit lui donne le rôle d’un antihéros par excellence. Sa fragilité psychique est largement compensée par sa pertinente réflexion qui force l’admiration. Sa simplicité apparente, ses observations et ses questions insolites font mouche, mais pas là où on s’y attend. J’ai adoré les analyses déductives que Rekke emploie pour comprendre les faits. Un personnage qui rappelle la fausse nonchalance de l’inspecteur « Columbo »  et la modernité du « Mentaliste ».

J’ai apprécié le personnage volontaire et courageux de Michaela. Cette jeune Chilienne est un exemple de résilience pour montrer une intégration réussie. Cependant, sans trop s’appesantir, l’auteur nous fait comprendre que ses frères semblent être ses talons d’Achilles.
La fin du roman insinue de nouveaux épisodes à venir… on a hâte de retrouver ce tandem bien sympathique et efficace.

Donc, vous l’avez compris : UN EXCELLENT ROMAN à découvrir !

Tous mes remerciements au 👉 site Babelio et aux Ă©ditions HarperCollins pour l’envoi de cet ouvrage.
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Citations

p.130

Parce qu’il a alors compris ce qui le dĂ©rangeait, surtout ce Ă  quoi il aspirait vraiment. La musique Ă©tait obscure, dĂ©clenchait des orages Ă©motionnels impossibles Ă  expliquer. La logique, la philosophie , la sĂ©mantique, la phĂ©nomĂ©nologie, tout ce Ă  quoi il commençait alors Ă  s’intĂ©resser, Ă©taient au contraire propices Ă  l’analyse et Ă  la dĂ©duction : en un rien de temps, il a accumulĂ© des connaissances très vastes dans ces domaines. Il Ă©tait obsĂ©dĂ© par la clartĂ©. Il voulait se consacrer Ă  ce qu’il Ă©tait possible de dĂ©duire et de tirer au clair. C’est alors qu’il a dĂ©couvert le palĂ©ontologue Cuvier.
J’ai coutume de dire que nous Ă©prouvons tous une certaine Shadenfreude quand nous voyons un inconnu souffrir. Nous pensons instinctivement : « Quelle chance que ce ne soit pas moi ! » Plus gĂ©nĂ©ralement, nous nous rĂ©jouissons quand un peu de drame fait irruption dans nos vies.