Chroniques régulières sur des livres, présentations de nouveaux auteurs

đź’šđź’šJ’AI VAINCU LA TETRAPLEGIE de Marc-Olivier Perotti

RESUME

Editions Favre
130 Pages
2019
La veille de ses 17 ans, Marc-Olivier dit Marcol, est en vacances au bord de l’Atlantique avec son ami François et la famille de celui-ci. Les deux ados sont à une semaine de faire un stage de musique en Hollande pour mettre en application leur passion avec l’enregistrement d’un 45 tours à la clé.
En attendant, ils profitent de la plage et du soleil. Or, un mauvais plongeon de Marcol va faire avorter leur projet. Sa tête heurte violemment une dune de sable et explose une de ses vertèbres cervicales. La moëlle épinière touchée le paralyse et immobilise ses membres devenus inertes. Sans l’intervention de François, il se serait noyé… cependant de longs mois, il va devoir subir opérations et rééducation.
Nombre de circonstances ont minimisé son malheur : beaucoup de facteurs « chance » lui ont épargné des conséquences irréversibles.

MON AVIS

Remerciements au site babelio.com pour l’opération Mass Critique qui permet de découvrir des ouvrages et des auteurs. Ici, le témoignage de M-O. Perotti détaille toutes les étapes subies quand un accident atteint la moëlle épinière. Même si l’auteur est suisse, son vécu de tétraplégique qui a débuté près de Bordeaux se calque sur celui de beaucoup d’Européens dans de tels revers de la vie. Le ton léger rend un livre facile et rapide à lire.Ce livre n’est pas sans rappeler le récit déjà chroniqué sur le blog de Grand Corps Malade dans « patients ».

UN ACCIDENT DE LA VIE

Une nouvelle vie commence pour Marcol, confronté à une paralysie de ses quatre membres. Ce récit s’assimile donc à un témoignage intéressant et percutant sur les différents paliers successifs à franchir au sein des « centres de rééducation » et les barrières psychologiques à surmonter. Y est décrit un long processus et un traitement complexe, qui s’impose en effet pour retrouver une vie « normale ». Ce parcours du combattant encombré d’une multitude de soins rébarbatifs, cernés de divers thérapeutes, et de lourdes chirurgies s’apparente bien à ce que de nombreux accidentés au niveau de la moelle épinière endurent.

Ses explications prĂ©cises les rendent comprĂ©hensibles pour un public ignare dans le domaine, et le lire rĂ©pondra Ă  toutes ces questions : Comment Marcol devient tĂ©traplĂ©gique ? En quoi se diffĂ©rencie la tĂ©traplĂ©gie de la paraplĂ©gie ? En quoi les premiers soins sont capitaux dans ces circonstances ? Quelle est l’étendue du traumatisme sur la mobilitĂ© ? Les consĂ©quences de la tĂ©traplĂ©gie se limitent-elles Ă  la dĂ©pendance physique ? Quel rĂ´le prĂ©pondĂ©rant joue l’entourage de Marcol ? Dans quelle mesure la rĂ©activitĂ© du père(mĂ©decin) et la mère de François l’ont sauvĂ© dès la survenue de l’accident ? En quoi le fait d’ĂŞtre encore mineur a-t-il eu une influence sur les soins prodiguĂ©s ? En quoi le sort de Marcol pourtant dramatique est-il enviable au vu de sa situation ?

Ses progrès sont lents et le dĂ©couragement le submerge parfois mais son optimisme vite balaie son vague Ă  l’âme. Et pour cause, il a une chance rare…

UN OPTIMISME PERMANENT

Le titre et la couverture donnent le ton : il émane de notre narrateur beaucoup de force. Il rayonne et transmet sa vitalité.

L’entourage de Marcol sans cesse prĂ©sent l’a stimulĂ© dans ses efforts, et dans sa motivation.  GalvanisĂ© par sa jeunesse et par son goĂ»t de la vie, il ne perçoit pas vraiment l’aspect irrĂ©versible de son Ă©tat physique si bien requinquĂ© par les encouragements de ses thĂ©rapeutes et de son entourage. DĂ©jĂ  populaire avant son accident, on devine un adolescent bien dans sa peau quand le handicap le cloue au fauteuil, alors la constante prĂ©sence de ses groupies, sa famille et ses amis n’ont pas altĂ©rĂ© sa confiance en lui. Ce regain de vigueur me semble appropriĂ© dans sa situation mĂŞme s’il doit nĂ©anmoins rĂ©apprendre Ă  vivre autrement. 

FACTEURS « CHANCE »

Ce témoignage reste optimiste dans sa texture pour beaucoup de raisons. Bien que l’auteur insiste reconnaitre une corrélation de plusieurs coïncidences, sa chance reste exceptionnelle.

Ce livre est fallacieux pour les lecteurs ignorants du sujet, car son cas est exceptionnel : le nombre de personnes qui récupèrent comme Marcol, me semble infime. Dans la circonstance, je trouve décalée cette dernière phrase de la quatrième de couverture :

« Son histoire nous interpelle tous quelque part et nous rappelle que rien n’est impossible ».

L’issue heureuse avec sa rĂ©cupĂ©ration,  permet de garder en tete cette possibilitĂ© et un espoir, mais beaucoup de personnes n’ont pas cette chance. Cette solution risque de donner Ă  cette rĂ©alitĂ© un terrible sentiment de frustration et d’injustice. Alors, oui, tant mieux, l’auteur partage sa joie de vivre, mais je trouve « normale» cette attitude mĂŞme si son combat d’aujourd’hui est marquĂ© de gĂ©nĂ©rositĂ©. En effet, mon admiration est limitĂ©e au regard de la raretĂ© des rĂ©cupĂ©rations. Sans vouloir paraitre aigrie ou sĂ©vère, l’enthousiasme de Marcol pour la vie est comprĂ©hensible et le contraire aurait Ă©tĂ© indĂ©cent. Ses progrès et sa rĂ©cupĂ©ration l’ont aidĂ© Ă  supporter la brutalitĂ© et la gravitĂ© de son accident, accident qui aurait pu bouleverser et effondrer quiconque.

Il met Ă  profit sa rĂ©cupĂ©ration pour se consacrer Ă  une fondation Kyfekoi qui recueille des fonds pour la recherche sur les traumatisĂ©s mĂ©dullaires, et l’organisation de voyages pittoresques pour des personnes en situation de handicap. La musique est son cheval de bataille… mais la dernière partie du livre sur son Ĺ“uvre aujourd’hui ne m’a pas tellement « emballĂ©e » mĂŞme si son action est remarquable.

Le plus à la fin du livre : Pour illustrer le récit, la BD « Rendez-vous avec la dune » du dessinateur Exem (parue en 1995-1996).

Vous pouvez vous procurer l’ouvrage chez votre libraire, chez DECITRE ou à la FNAC.
Votre avis sur la chronique ou le livre est le bienvenu.