RĂSUMĂ

04/21
350 p.
Clara Roussel mĂšne une enquĂȘte pour le kidnapping de Kimmy Diore. Mais l’affaire prĂ©sente une particularitĂ©. Elle concerne une enfant dotĂ©e d’une grande renommĂ©e sur les rĂ©seaux sociaux, notamment Ă travers Happy RĂ©crĂ©. C’est un blog animĂ© par sa maman MĂ©lanie, dĂ©jĂ entrainĂ©e Ă lâexercice de la tĂ©lĂ©-rĂ©alitĂ© lors de sa jeunesse.
Aujourd’hui, pour se distraire du rĂŽle peu Ă©panouissant de mĂšre au foyer, la jeune femme adapte son expĂ©rience de tĂ©lĂ©-rĂ©alitĂ© pour diffuser des images de ses enfants sur Internet. Sur son blog, elle « poste » avec outrance des films ou photos d’eux et cette stratĂ©gie efficace lui procure un nombre spectaculaire dâabonnĂ©s. De lĂ , pour toute la famille, dĂ©coule une manne financiĂšre colossale qui provient de la promotion de divers produits mis en valeur.
Les heureux parents MĂ©lanie et Bruno ont alors crĂ©Ă© une entreprise florissante dont ils vivent. Bruno a alors pu laisser son travail pour sây consacrer entiĂšrement. Donc, la vie et les ressources familiales reposent exclusivement sur le succĂšs des images postĂ©es.
Lâexhibition dâun bonheur familial et dâune rĂ©ussite matĂ©rielle auraient-elles suscitĂ© de la jalousie au point de leur soustraire Kimmy, l’enfant vedette qui est le prĂ©texte Ă ces images et la source de ses revenusâŻ?
MON AVIS
Ă lâheure oĂč les Ă©crans martĂšlent par nĂ©cessitĂ© (ou pas) notre quotidien, Delphine de Vigan crĂ©e ici une intrigue autour de ce fait de sociĂ©tĂ©. La diffusion dâimages privĂ©es sur les rĂ©seaux sociaux a transformĂ© ces amateurs devenus virtuoses de la communication en «âinfluenceursâ». Ils se multiplient depuis quelques annĂ©es et le champ dâaction de ces nouveaux «âprofessionnels du Netâ» porte sur divers thĂšmes. Mais leurs mĂ©thodes peuvent donner lieu Ă dĂ©bat sur la lĂ©galitĂ© et lĂ©gitimitĂ© de leur travail lorsque des parents mettent en scĂšne leur progĂ©niture pour promouvoir des produits, leur source de revenus.
Dans ce roman, le problĂšme prend de lâampleur avec les deux enfants de lâhĂ©roĂŻne Ă©rigĂ©es en vedettes du Net. La texture du livre sâapproche malheureusement dâune rĂ©alitĂ© probable. FilmĂ©e sans cesse au quotidien,  leur vie intime est passĂ©e au crible. Tout ce qui concerne leur tenue vestimentaire, leur alimentation ou leurs loisirs est abordĂ©. Et en introduisant dans leur sphĂšre privĂ©e, leurs fans via les chaines YouTube ou dâautres rĂ©seaux sociaux, les influenceurs procurent Ă leurs spectateurs lâimpression dâĂ©tablir une relation dâamitiĂ© avec eux. En plus, une participation active sollicitĂ©e par le biais des commentaires implique les abonnĂ©s ; une interaction virtuelle se crĂ©e.
On sâeffraie de voir avec quelle obstination, voire quelle obsession, lâhĂ©roĂŻne filme ses enfants. Cette dĂ©rive outranciĂšre choquera les rĂ©fractaires Ă ce style de «âcommunicationâ» mais cette exhibition si banalisĂ©e rend cette attitude presque normale. MĂȘme si le roman reste une fiction, il alerte des Ă©ventuels dommages d’enfants mitraillĂ©s, mĂ©diatisĂ©s. Dans quelle mesure peuvent-ils avoir un consentement Ă©clairĂ©s ?
UN PARTAGE D’IMAGE
ImmĂ©diatement Ă la lecture du roman, le film đđ The Truman Show avec Jim Carrey revient Ă nos esprits.
Le scénario réaliste du roman montre la tristesse de notre société, trÚs artificielle, surtout basée sur le paraitre. La sincérité et la spontanéité sont supplantées par des mises en scÚne théùtrales.
Avec flagornerie, le mot «âpartageâ» trouve dans ce domaine une nouvelle dĂ©finition. LĂ , l’acte gĂ©nĂ©reux se limite Ă une diffusion publique de son intimitĂ© avec des inconnus et de ce fait, sâapparente Ă une amitiĂ© sincĂšre. Les protagonistes sont tous flattĂ©s : celui qui exhibe est satisfait dâavoir quelque chose Ă montrer mĂȘme si l’intĂ©rĂȘt est discutable. DerriĂšre leur Ă©cran, les «âchĂ©risâ» avides de ces images se sentent privilĂ©giĂ©s. Ce cĂŽtĂ© voyeur leur confĂšre une certaine vie par procuration dirons-nous. Finalement, le pivot commercial oĂč la dĂ©monstration positive des produits crĂ©e lâenvie : les influenceurs deviennent-ils des camelots modernes pour des spectateurs crĂ©dules ?
QUAND LA GĂNĂROSITĂ PAIE
Cette dĂ©rive d’exploitation commerciale de l’enfant frĂŽle l’indĂ©cence et ici, elle marque la violation de son droit Ă l’image. La vie en direct, du presque 24H/24H livrĂ©e sur les Ă©crans.
Lâauteur a dĂ©crit le cheminement dâune course-poursuite pour une quĂȘte de la notoriĂ©tĂ©, que lâhĂ©roĂŻne considĂšre comme le baromĂštre du bonheur et de la rĂ©ussite. Ces nouveaux acteurs du quotidien sâagitent comme si la quantitĂ© dâinconnus qui suivent leurs faits et gestes banals Ă©tait proportionnelle Ă leur valeur morale ou leurs qualitĂ©s humaines. Pour MĂ©lanie, la finalitĂ© de la vie repose non sur les actes ou les engagements, mais exclusivement sur le jugement d’un public aux aguets dâune simple image. Une addiction commune nait.
Le risque : Ă se pavaner et Ă montrer un bonheur mĂȘme fugace et superficiel, les images peuvent susciter une envie, une frustration. C’est dans ce contexte que des ennemis et des jaloux se profilent derriĂšre l’enlĂšvement de Kimmy, la vedette du blog de MĂ©lanie.
Ainsi, Ă partir de la tendance sociale du dictat des rĂ©seaux sociaux, se profile une enquĂȘte policiĂšre. Celle-ci va aboutir Ă une analyse des consĂ©quences psychologiques Ă long terme sur les jeunes gĂ©nĂ©rations. Delphine de Vigan part dâune rĂ©alitĂ© actuelle pour extrapoler sur lâavenir par lâintermĂ©diaire des enfants Diore. Du coup, le roman sâassimile presque Ă un livre dâanticipation : le succĂšs des Ă©missions de tĂ©lĂ©-rĂ©alitĂ©, des chaĂźnes YouTube qui se multiplient, et des pages Facebook qui se remplissent.
Voici une prĂ©conisation pour tous les influenceurs avertis. Ils seraient bien inspirĂ©s de dĂ©laisser leur Smartphone et leurs followers pour passer plus de temps dans ce livre. Ou les livres en gĂ©nĂ©ral.đ€.
Voici un sujet fort intĂ©ressant et trĂšs actuel. Merci pour cette chronique đ
Oui un sujet d’actualitĂ© Ă mĂ©diter par ces acteurs du Net đ